[...suite de ~ICI~]

Une immense salle, assez basse de plafond, s'ouvrit au petit groupe. Grise dans son ensemble, rien de particulier ne semblait en émaner. Tirant Viky à l'intérieur, Mina finit par la confier à un coin de la pièce avant de se résoudre à en faire le tour. Il n'y avait aucun mobilier, pas la moindre preuve qu'il y eut un jour une vie entre ces murs. Juste un vulgaire débarra dépossédé de son âme bordélique... Il fallut toutefois que le Vampire gagne le couloir qui menait au reste du complexe pour qu'une première découverte ne paraisse. Noyée par toute une série d'alcôves, Mina fut en mesure de lire au sein de l'une d'entre elles, une gravure écrite en langue commune : "Strass mémoriel 8". Au sommet de ce pilier flottait une sorte de cristal écarlate. Il irradiait de ce dernier une étrange énergie qu'elle ne pouvait définir. Mais comme guidée par ce qu'elle venait de lire, la prédatrice parcourue les différentes cavités qui jalonnait le corridor sur ses deux côtés, avant de s'arrêter à l'inscription : "Strass mémoriel 1". Du bout de ses ongles cassés, Mina effleura une des facettes du quartz.


Une toute jeune fille apparut alors ! En suspension dans les airs, voilée de rouge et aux traits imprécis, la pauvre illusion se prit la dérouillée de sa vie lorsque Mina crut à une attaque ! Comprenant toutefois qu'il s'agissait là d'un subterfuge, le Vampire parvint à restaurer son calme. Puis essaya de comprendre la provenance de cette manifestation qui demeurait là sans rien dire, comme semblant s'afférer sur quelque chose qui réclamait une certaine minutie.

- HEY !! Beugla soudainement l'image vivante. Je crois que j'ai réussi ! je m'entends ?! je me vois ? Poursuivit-elle en agitant ses bras ridicules. Oh j'espère que oui... prendre des notes ça va un temps, mais quand on a les mains constamment occupées, il devient difficile de manier la plume.

- Regarde-moi quand tu me parles espèce de cruche ! Injuria Mina prête à en découdre.

- Je ne suis pas encore au fait de ses capacités de stockage, je ferai un test ultérieur pour quantifier cela. L'hologramme ne voulant rien entendre à la sommation du Vampire, celui-ci s'en prit directement à sa carotide ! Voyons à présent ce que donne ce premier essai sur la mémoire photonique. Au terme de cette phrase, l'illusion disparue.

Les crocs dans le vide, la prédatrice se rendit compte de sa stupidité. Toujours sur les nerfs à cause de l'état dramatique de Viky, sa colère avait tendance à lui faire commettre les pires gaffes qui soient. Ravalant alors sa fierté pour ne pas gronder, Mina dénombra un total de huit cristaux, dont sept dans l'attente de révéler leur secret. Fallait il tous les passer en revue, ou était-il préférable de s'enfoncer plus avant dans le Kaig ?

Me massant mon nez aux narines irritées par la poussière qui fut dégagée par l'explosion de tout à l'heure, je m'accrochais au bras de mon nain positionné légèrement devant moi. Je suivais attentivement la discussion entre Dummy et nos étrangères sans intervenir, ce qui pourrait inquiéter ce dernier parce que, normalement, je me débrouillais toujours pour avoir quelque chose à dire ou avoir le dernier mot. Mais là, j'étais juste muette et j'écoutais simplement. Était-ce parce que Mina avait moufté après moi ? Non. Juste que j'avais conscience sur l'instant que j'étais un boulet et que je devais laisser faire mon bien aimé, lui qui maîtrisais mieux les mots que la téméraire que je suis.  Alors, me contentant d'avancer silencieusement, Ydris laissait une cascade de mot lui échapper. Cette femme était bien plus renseignée que je ne l'aurai imaginé, pour une qui était la prisonnière du Roi Sildar. Enfermées dans des cachots... Surtout qu'elle avait mentionné une seconde fois un mot qui avait fait écho en moi : Anezka. Elle l'avait déjà chuchoté tout doucement plus tôt, mais je n'avais pas relevé au vu du tête à tête que j'avais avec la vampire à ce moment là. Mais là, je ne pouvais pas passer à côté. Oh, évidemment, je ne connaissais pas la défunte femme du Roi Nain mais j'en avais déjà entendu parlé quelque fois. Que ce soit dans des discussions que j'avais surprise, des livres ou encore de histoires contées par mon bien aimé. Donc que cette étrangère en sache autant alors qu'elle avait été faite prisonnière sous-sous-terre m'intriguait un peu. Pheare et Mina en savaient-elles autant ? Mon regard sautant du dos de la vampire aux deux autres derrière moi, j'étais en train de mettre un gros coup d'arrêt à une curiosité maladive. Ma main libre se mettant à jouer à emmêler les cordons de mon nœud au cou.

Cependant, malgré les trépidantes questions qui se bousculaient dans mon crâne, je n'allais interrompre personne et je laissais Ydris et Dummy avoir leur discussion avant de me saisir du silence pour en placer une. Je relâchais juste un peu mon emprise sur le bras de mon nain pour m'approcher doucement de Ydris histoire de parler à voix basse et pas agacer la vampire. Par là, même si je faisais attention à ne pas trop l'ouvrir pour que ma voix ne l'énerve pas, je la provoquais indirectement en chuchotait avec insistance. Comme une enfant vexée attirant l'attention de ses parents en mimant de ne pas le faire exprès. Une fois assez proche de la concernée, me penchant légèrement en avant, plaçant ma main pour cacher ma bouche au dos de Mina, je lui soufflais :

- Vous ne pouvez pas nous planter comme ça avec une révélation pareille Ydris... Comment cela se fait-il que vous en sachiez autant et que vous ayez parlé à Anezka, elle n'est finalement pas morte ? Sauf erreur, de ce que je sais, depuis que j'ai émergé, vous étiez enfermées pour être mise à mort dans un combat publique pour du simple divertissement... Commençais-je à lui demander, en murmurant. Et puis, autre chose, je le ressens bien... Vous et moi nous nous ressemblons beaucoup. Vous êtes une elfes aussi ? J'ai cru entendre le terme « drow » mais y a t'il tant de différence entre nous, votre aura me paraît très similaire aux autres Oubliés et à la mienne aussi.

Une fois mon interrogatoire terminée, je me redressais brusquement pour ne pas me casser la figure. Parce qu'en effet, Dummkhar venait de tirer un coup sur mon bras pour me rapprocher de lui sans un mot. Oh que je reconnu cette soudaine démarche déterminée. Investis d'une impatience rare mais que je lui connaissais lorsque quelque chose de mystérieux allait enfin se dévoiler à lui. Maintenant qu'il pouvait avoir le Kaig de Fidia à portée de main, il allait être difficile de l'en décrocher tant il m'en avait déjà conté les mystères et l'historie qui en découlait suite à cette guerre. Évidemment, j'écoutais à peine, trop aspirée par le son de sa voix ainsi que dans mes pensées.

- Tu irais plus vite en me traînant...Ralais-je à voix basse.

Je peinais d'ailleurs à distinguer où je mettais les pieds. Laissant ma main valide glisser le long de la paroi à ma gauche, tentant de maintenir le rythme imposé. Me casser la figure à cause d'une pierre qui dépasse un peu plus que l'autre, ça l'aurait mis mal... Mais j'aurai pu rester au sol et me laisser tirer comme un sac à patate que ça aurait été plus efficace. Néanmoins, je ne pouvais lui en vouloir parce qu'il avait pour habitude que ce soit lui qui me courait après et pas l'inverse quand j'avais encore la possibilité de voir clairement où je mettais mes pieds.

Mais ce fut au bout de quelques dizaines de minutes supplémentaires, parcourant ce chemin dans un silence implacable tout en surveillant nos arrières, que Dummy s'arrêta net. Concentrée sur mon environnement, je ne fis pas attention. Ne remarquant même pas que tout le monde avait suivit le mouvement, je lui rentrais dans le dos. M'excusant alors à voix basse, m'assurant de ne pas lui avoir fait mal. Mais rien à faire, ce fut le silence. C'était limite qu'il ne s'était même pas rendu compte que je m'étais encastrée dans son dos. L’entièreté de son attention aspirée par ce cul de sac qui se dressait devant nous. Parsemé de minerai brillant assez fort, que je reconnu être du phosphore. Émettant suffisamment d’énergie pour que je puisse me mouvoir librement, je pu lâcher mon emprise et laisser mon nain se balader à sa guise. Secouant ma main moite pour la dégourdir d'avoir été empoignée si fort si longtemps.

Quant à Mina, elle faisait ce qu'elle faisait visiblement de mieux : tenter de défoncer la porte à gros coup de panard. Je n'aurai pas vraiment apprécie être à la place de cette dernière. C'est ainsi que j'aurai pu terminer si mon cher ne s'était pas pointé un peu plus tôt, avec un morceau de mon cou en moins ? Mon regard se porta en direction de Pheare et Ydris. Je fis une légère moue d'incompréhension en haussant les épaules quand Dummkhar lui montrait la méthode civilisée pour ouvrir cette porte affranchissable à ses méthodes de brute. Le bruit que produira l'ouverture du lourd battant ensuite attira mon attention et je fus alors tout aussi subjuguée que Dummy.

M'engouffrant de moi-même dans cette nouvelle pièce, la suite de Dummy, passant par sa gauche, afin de m'aventurer au-delà de l'inconnu. J'y voyais suffisamment bien, mieux que dehors, pour me diriger et partir à l'exploration toute seule. Plusieurs alcôves se dressaient face à moi, dans un long couloir. Je voulu me diriger vers le premier lorsque Mina me coupa net la route pour aller déposer son amie dans un coin, à l'abri du petit groupe. Par simple réflexe, ou respect pour ce qu'elle ressentait, je reculais de quelques pas pour finalement passer à la droite de Dummy et longer le mur opposé au alcôves. Pendant quelques secondes, je scrutais le corps inertes qui m’apparaissait grâce à la pièce baignée dans un bouillon d'énergie. Me demandant si je pouvais l'aider d'une quelconque manière... craignant tout de même d'être envoyée paître si je m'y osais. Renfrognant mon envie, je me mis à me ronger l'auriculaire. Forçant mon intérêt à revenir à la réalité et se ré-intéresser aux sources d'énergies. Je m'y tenterai plus tard si son amie ne revenait toujours pas à la réalité.

Pour l'instant, je me devais de me rendre un peu utile. Ma main droite glissant sur la paroi lisse de la pièce, je tentais de voir si je pouvais discerner une différence entre les alcôves. Plusieurs réceptacles émettaient plus ou moins beaucoup d'énergie. J’ignorais ce que cela était mais ce n'était pas des simples éclairages. L'aura était tout autre et ressemblait vaguement à les puissances déployées par les technologies Belrins. Mais quelque chose me tiquait tout de même dans leur intensité ou ondulation. Était-ce simplement une nouvelle technologie ? Laissant donc les autres vaquer à leurs curiosités, je m'éloignais doucement, me décalant de temps à autres pour faire de la place à la vampire imposante qui sillonnait le couloir et inspectait les différentes cavités. Je la suivais du regard sans émettre le moindre bruit avant de la quitter et retourner à mon exploration. Avançant prudemment, je faisais attention à vérifier si aucuns pièges n'étaient présent parmi nous. Mais je ne remarquais rien. Les murs étaient aussi très silencieux, mes doigts ne ressentaient aucunes vibrations.

Mais alors que j'étais concentrée dans mon investigation, un bruit soudain brisa le silence, me faisant sursauter à l'instar de Mina. Mon cœur battant la chamade, une main crispée sur mon manteau au-dessus. Une voix qui ne m'était pas inconnue avait rompu le calme ambiant. Évidemment, je m'étais tout aussi instantanément retournée pour comprendre ce qu'il se passait. Je découvris alors une petite silhouette rougeoyante, aux formes suffisamment clair pour que je puisse comprendre de qui il s'agissait malgré les perturbations provoquées par Mina qui ne cessait de s'agiter sur cette dernière. M'approchant doucement de Dummkhar, tapotant doucement son épaule à trois reprises, je lui chuchotais alors :

- C'est Fidia ? C'est sa voix non ? Demandais-je, excitée de cette découverte tout en me retenant de glousser aux réactions de Mina. Elle aurait enregistré des messages... visuel ?

Sans même attendre la moindre réponse, éprise d'une curiosité maladive et enivrée par l'exploration de l'inconnu, je m'empressais de m'avancer vers l'alcôve adjacente à celle où se trouvait la vampire. M'approchant de la source d'énergie. Si j'avais raison, si c'était ce à quoi je pensais, on en saurait davantage sur ces lieux en consultant les autres « messages ». Je m'étais persuadée, sans consulter qui que ce soit, qu'il s'agissait de quelque chose de nouveau et, évidemment, révolutionnaire Je connaissais des magies d'illusions pour transposer des silhouettes mais celle-ci se dévoilait tellement différemment que je n'avais pas de mot pour la nommer. D'habitude, je pouvais aisément distinguer la magie que les miens exploitaient à l'énergie déployée par la technologies Belrin. Alors sans réfléchir, tout comme la vampire venait probablement de le faire, je scrutais cette pierre devant moi, me penchant légèrement en avant. Finissant alors par effleurer la surface de cette chose du bout de mes doigts et m'éloigner de quelques pas sur le côté rapidement, à l'opposer du groupe.

Je n'avais aucunes idées de ce que j'allais déclencher mais j'étais plus ou moins sûre de moi et, de toutes manières, on allait pas rester planté là à ne rien faire ou juste passer à côté de tout ça ? Il devait se cacher quelque chose d'énorme là-dessous !

Je n'attendais aucune réponse particulière de Mina quant à ce que je venais de raconter. La  vampire était des plus perturbée depuis l'arrivée et le presque trépas de son amie ce qui la rendait encore moins volubile qu'à son habitude. Les crocs avant les mots si l'on pouvait dire. Elle devait avoir eu son lot d'histoires avec le récit précédent. Néanmoins je ne doutais point que sa matière grise enregistrait la moindre information qu'elle jugerait utile. Dummkhar de son coté se porta volontaire pour répondre à mon interrogation. Lady Ydris... je frissonnais à cette appellation pourtant sans aucune animosité de sa part. Cette appellation ne me convenait pas, me dérangeant même au point d'engendrer une réaction physique. Je n'en fis pourtant aucun cas choisissant de m'attarder sur les paroles du Belrin. Il éluda, volontairement ? ma seconde question en prenant soin de me rassurer quant au système de défense que j'avais pu évoquer. Je hochais la tête pensivement, les yeux dans le vague réfléchissant encore à ce qui venait de nous être conté. Si Fidia nous avait guidé vers son Kaig, c'est que nous y trouverions certainement des réponses et une relative sécurité.

Nous marchions à allure soutenue Mina n'étant pas décidée à traîner plus que nécessaire dans ce boyau. Essayant de faire abstraction de ma migraine, et fermant la marche aux cotés de Pheare je finis par sortir de mes songes pour la voir se tenant toujours le cou. Je fronçais les sourcils à ce détail, étonnée que son corps ne se soit pas encore régénéré. Sa guérison le mois précédent n'avait elle pas été plus rapide ? A moins que ma notion du temps n'ai été faussée j'aurais juré que si. Je n'eus pour autant pas le loisir de la soumettre à la question car Shaileen s'était rapprochée de nous manifestement intéressée par ce que j'avais pu raconter plus tôt. Ainsi le peuple était réellement dans l'ignorance quant à la majorité de leur propre histoire. Curieuse la jeune femme poursuivit son interrogatoire qui porta ensuite sur les ressemblances qu'elle ressentait entre sa race et la mienne. A cela je ne pus que marquer l'étonnement, peu habituée à ce qu'un être quel qu'il soit se trouve des points communs avec les drows. Je n'y avais moi même absolument pas songé, descendant d'une race fière dont la plupart des membres auraient certainement rendu leur déjeuner à la simple mention de partager quoi que ce soit avec un autre peuple. L'innocence de Shaileen ainsi que la méconnaissance globale des êtres souterrains nous concernant ne cessait de me surprendre. Encore une fois une intervention extérieure détourna ma réflexion en la personne de Dummkhar. Nous arrivions au bout du tunnel.

Mina ne chercha pas à savoir s'il existait un manuel quant à l'ouverture de ce qui devait être une porte puisqu'elle entreprit ni plus ni moins de la forcer à l'aide de ses griffes. Qu'il s'agisse d'un besoin de se défouler après ce qu'elle venait d'endurer concernant son amie ou d'un coup de folie passager, je n'osais pour le moment pas la déranger d'autant plus que le belrin semblait vouloir intervenir. Je profitais de l'instant pour me tourner vers Pheare, mon inquiétude précédente remontant à la surface. Je m'approchais plus près de l'humaine le visage concerné.

- Votre blessure a t'elle commencé à se résorber ? M'osais je à demander, la voix à peine plus haute qu'un murmure. Avez vous besoin qu'on bande la plaie ? Continuais je montrant du doigt sa main qui devait commencer à s'engourdir.

Mina et Dummkhar semblant débattre au sujet de la porte ne nous portaient aucune attention. Pourtant l'un d'eux du parvenir à ses fins puisque s'en suivit le bruit de la pierre raclant le sol. La porte était ouverte. Et comme rien de dangereux ne surgit, j'attendis la réponse de Pheare avant de faire un autre pas en avant. Bien sur je n'escomptais aucune parole, d'où mes questions fermées. Pas moyen d'avoir une vraie conversation avec la gorge dans un tel état. L'éloquence de l'humaine me manquait, elle qui avait su plus d'une fois calmer les humeurs de Mina ou désamorcer des situations compliquées. Et puisque il faudrait manifestement attendre pour en savoir davantage, une fois l'urgence parée j'invitais Pheare à rejoindre nos compagnons de route.

J'entrais dans l'immense salle alors que Mina s'engouffrait dans un couloir manifestement avide de découverte puisqu'il n'y avait absolument... rien ici même. Que du vide. Je repérais le corps de Viky reposant dans un coin de la pièce et ne tardais point à rejoindre le reste du groupe vers la suite du complexe. La route était parsemée d'alcoves et la vampire se trouvait un peu plus loin. J'eus le temps de lire l'inscription "strass mémoriel 8" avant que des mouvements soudain ne détournent mon attention. La source de l'agitation se révéla être une petite fille, suspendue dans les airs devant Mina. Celle ci ne perdit pas une seconde pour frapper l'intruse qui ne sembla pas en prendre ombrage puisque la traversant simplement. Elle regardait totalement ailleurs, comme concentrée. Je me rapprochais sans même m'en rendre compte, cherchant à comprendre ce qui se déroulait devant mes yeux. Une illusion ? mais par qui ?  La fillette finit par prendre la parole. Le tout n'eut pas grand sens pour moi et je compris assez rapidement que, malgré son regard braqué sur Mina, elle ne s'adressait pas à nous. Je ne relevais pas les mots de la vampire encore perturbée et sursautait presque lorsque l'enfant disparu.

Sur le pilier je pus lire "strass mémoriel 1". Je ne pus également m'empêcher d'entendre les chuchotement de Shaileen. Le vide associé au fait de nous être rassemblés automatiquement pour suivre ce petit... échange. Fidia ? Etait ce réellement sa voix ? Après tout c'était logique, nous étions chez elle. Je lus à nouveau l'inscription. Si l'image représentait une jeune Fidia, se pourrait il que ces "strass mémoriels" soient une sorte de souvenir ? .La fillette avait évoqué des tests sur le stockage ou quelque chose du genre. Était ce de la magie ? ou une sorte de technologie ? Je sentais mon mal de crâne revenir au galop, occupée à réfléchir si d'aventure j'avais pu croiser pareil phénomène auparavant.

La jeune oubliée manifestement pas plus dérangée que cela par la nouveauté se dirigeait déjà vers un autre pilier. Puisqu'ils portaient tous le même nom, il y avait fort à parier que nous allions assister à d'autres séquences du même genre que celle que nous venions de voir. Je la comprenais aisément car il devrait y avoir beaucoup à apprendre de ces...images ou quels que soient leur nom cependant il restait tout un complexe à explorer, et ma priorité n'était pas à la connaissance pour l'instant.

- Devrions nous nous séparer pour faire le tour du propriétaire ? eus je le temps de lancer avant que Shaileen ne touche le quartz.

Bien que curieuse de tout ce qui entourait les souterrains et leur histoire, il me semblait plus urgent de partir en reconnaissance, trouver peut être de quoi prodiguer des soins à Viky ou à Pheare par exemple. Mes pensées me menèrent à poser le regard sur  l'humaine une fois de plus. Notre nombre et la relative sécurité de l'endroit d'après les dires du Belrin m'encourageait à la séparation momentanée. Décidée, je n'attendis guère que l'on me réponde pour me diriger vers la suite du domaine de Fidia.

Sa gorge tranchée toujours masquée de sa main, le souci de son propre sort finit par se communiquer à Ydris qui l'accosta peu après. Et bien que celle-ci eut voulu se rendre utile, la prêtresse sut que ses questions tenaient plus du soutien moral que d'un réel apport. Et comme elle s'y attendait en dépit de l'espoir qui campait dans son coeur, Pheare gesticula par la négative. L'humaine la remercia du regard, puis s'éloigna. D'instinct, la femme chevalier savait que Mina n'était pour rien dans cette affliction qui entravait sa régénération. Aussi se reporta t-elle sur la seule chose qui avait changé depuis qu'elle fut jetée dans les geôles. Son environnement ! Hypothétiquement, il n'était pas à exclure que l'endroit irradiait d'une énergie susceptible de bloquer la malédiction de son sang noir. Alors quand Mina déclencha malgré elle une image projetée, cela ne fit qu'apporter plus de corps à la théorie de Pheare. Nonobstant, même si elle se saisissait de ce mystère qui s'opposait à sa nature, sa solution ne cesserait pour autant de gîter dans le domaine de l'impossible. Aussi se contenta t'elle d'observer le groupe après que le Vampire eut terminé de boxer l'éther.

Moyennement surprise par l'illusion qui venait de se dématérialiser, Pheare s'avança jusque sous l'arche qui délimitait le corridor et ses alcôves, de la pièce qui les avait accueilli. De par ses antécédents avec la magie, l'humaine ne craignait point de s'y confronter ! Et alors qu'Ydris annonçait son intention de découverte en sollicitant le scindement des troupes, Shaileen activa une nouvelle projection. Manifestement peu intéressée par ce que l'image aurait à leur dire, la prêtresse disparut sans se retourner. Bien que tentée, Pheare ne la suivit guère. En préjugeant que l'atmosphère qui perturbait son essence déchue soit pire qu'ici, s'enfoncer dans le complexe signerait son arrêt de mort. Pour preuve, plusieurs gouttes de son sang d'ébène se mirent à perler d'entre ses doigts qui n'avaient point quitté son cou. En les voyant s'écraser sur le sol gris, la jeune femme s'imaginait déjà faire demi-tour afin de retourner jusqu'au trou qui fut condamné par la machine de Fidia. Mais ce serait peine perdue... Car en admettant qu'elle y parvienne avant que le cruor n'inonde ses bronches, ce qui était hautement improbable, ses tissus demeureraient inertes. Ce qui la poussait à songer de la sorte ? la sensation de picotement qu'elle éprouva dès qu'elle fut entrée dans le boyau qui les menèrent jusqu'à ce Kaig.

Avant qu'elle ne soit victime du groupuscule au sein du monde qui l'avait vu naître, Pheare était allergique aux rats. Or, dans la grotte qu'elle partageait avec sa mère, il était fréquent que ses symptômes se déclenchent à cause de l'abondance de ses animaux. Il ne lui était point nécessaire de les voir pour que ses yeux ne se mettent à enfler, et sa peau lui démanger. Heureusement, pour s'éviter le pire qui pouvait la mener jusqu'à une crise d'asthme, la fillette, dans le but de s'en prémunir, se fia aux fourmillements qui précédaient l'apparition de ses maux. Un avant-goût en tout point identique à celui qui la frappa au moment où elle plongea dans le gosier de roche. A l'instar de la salive qui inonde votre bouche quand vous êtes sur le point de vomir, Pheare sut que quelque chose l'indisposait avant même d'en supposer la cause. Aussi, à défaut de mieux, l'humaine dépossédée de sa voix écouta celle que Shaileen eut reconnu en la personne de Fidia.


- Premier rapport. Aboya la nouvelle image. Les Démons de Prugarass se font de plus en plus vicieux. La preuve de leur intelligence démoniaque n'est plus à prouver. Le Roi Sildar exige que des armes du genre audacieuses soient placés entre les mains de ses guerriers. Je travaille d'arrache pied à l'élaboration d'une technologie susceptible de renverser la vapeur. Mais je manque de moyens et de temps... Pour l'heure, ils devront se satisfaire de ce tromblon à percussion multiple ! Le schéma de l'arme en question finit par remplacer le visage juvénile de Fidia. Elle tournoya lentement sur elle-même à deux reprises avant que le cristal ne cesse d'émettre.

Bien sûr, il n'était pas question pour Dummkhar de se contenter de si peu, surtout que ledit fusil ornait majestueusement son dos. Et bien que son crache-feu était catalogué par ses pairs comme étant une arme à courte portée, imprécise et archaïque, il s'en éprit farouchement dès lors où elle détona entre ses mains ! Sa puissance rachetait selon lui, tous les défauts qu'on pouvait lui prêter. Ainsi, sans demander audience, le Nain s'enquit de la strass mémorielle "3" !

- Cinquième rapport. Beugla l'apparition. Sur le moment, Dummkhar s'assura d'avoir lu le bon chiffre, et à en juger par la gravure qui figurait sur la stèle, l'intervalle des trois enregistrements qui séparait celui-ci du premier, semblait consentie par la propriétaire des lieux. La mise au point de munitions explosives décupla la puissance des Belrins sur le derme d'habitude inviolable de ces monstres. Nous en tuons dix fois plus qu'autrefois, mais on en affronte davantage ! Je me tue à la tâche sans parvenir à faire la différence, et cela m'épuise... Je me suis donc penchée sur l'élaboration d'un artéfact à même de seconder les Oubliés dans leur entreprise magique. Je l'ai baptisé : l'ergot de Shemlen ! Il fera son baptême du feu dès demain. Comme pour le crache-feu de Dummkhar, le plan d'une baguette en cristal composite remplaça le faciès de Fidia. Il oscilla un instant, puis disparut.


- Shemlen... Répéta pensivement le Nain. Il sourit, puis se tourna vers Shaileen. Les archives racontent que cet Oublié se serait jeté à corps perdu dans la marée démoniaque qui les submergeait ! Il avait ensorcelé son corps de façon à le faire exploser si jamais on lui ôtait un de ses membres. Shemlen avait bien étudié le comportement de ces monstres, il savait donc la méthode qu'ils emploieraient s'il venait à se retrouver entre leurs griffes. Son sacrifice sauva Les cornes qui composaient l'élite de l'armée du Roi. Et manifestement, Fidia aurait trouvé le moyen matériel d'honorer sa mémoire.

Peut-être n'avaient-ils rien remarqué, mais entre la toute première image projetée et celle-ci, Fidia manifestait une nette différence dans sa manière de se comporter. Alors qu'elle avait tout d'une enfant heureuse de sa découverte, voilà qu'elle parlait à présent d'arme de guerre comme une véritable artificière ! Que s'était-il passé en coulisses, entre ces "rapports" non linéaires ? Y avait-il un sens caché derrière ces annonces ? Tandis qu'une Mina soupirante heurta son épaule pour rejoindre Viky, Pheare n'attendit point qu'un tiers agisse à sa place, et s'en alla directement effleurer le dernier quartz de cette série.

- Peut-être m'en voudriez-vous de ne point vous avoir informé en tout premier lieu par cette annonce. Mais vous êtes les étrangers, n'est-ce pas ? J'ignore tout de vous, et peine à croire ce que je suis en train de dire. Mais Aërlina et sa lecture des astres sont parvenues à me convaincre de cette possibilité. J'ai donc pris le temps de traduire chacun des messages que vous venez d'entendre, afin que compreniez dans quoi vous venez de mettre les pieds. Pardonnez-moi si je m'adresse à vous sans grande conviction, aussi vais-je abréger. Selon les prédictions de la Reine des Oubliés, vous êtes trois, ou quatre si j'ai accompli une chose qui l'espère t-elle, ait réussi. L'un de vous dépéri cependant, et risque de s'éteindre incessamment si l'Oublié qui est avec vous se refuse à réaliser une prouesse inconnue de notre monde. On put alors l'entendre marmonner en langue Belrin "Mais qu'est-ce je suis en train de raconter moi...". Ce n'était pas très clair, mais vous devez isoler le mourant dans une atmosphère neutre. Enfin bref, tout cela n'a peut-être aucun sens pour vous comme pour moi ! J'ajouterais cependant qu'en dehors du premier enregistrement qui veillait à vous familiariser avec ma présence holographique, tous ont une raison d'être, vous le découvrirez plus avant dans le complexe. Puis soudain ! l'image se brouilla dans un bruit parasite, et le visage actuel de Fidia se substitua à l'ancien. Je découvre aujourd'hui combien Aërlina avait raison, car après avoir participée à votre mise en captivité, je suis en mesure d'affirmer que deux d'entre vous se nomment Pheare et Ydris. Alors je vous en prie, croyez d'avantage en mes propos, que moi-même le jour où je les ai récité. C'est là votre seul moyen d'en réchapper...


L'inconscience de Viky persistait, et avec elle, l'angoisse qui sévissait dans chaque particule de Mina. Elle eut beau lui tapoter les joues, rien n'y faisait, alors quand la prédatrice entendit la gamine parler d'étrangers, ainsi qu'un être dépérissant, celle-ci accourut jusqu'à l'endroit où Pheare se tenait avant qu'elle ne touche ce fameux cristal. Mais à peine eut-elle fini que le Vampire empoigna le col de l'Elfe à la voix exaspérante ! Bien que brutale, Mina prit soin de ne point la briser quand elle la tira jusqu'à elle.

- Eh bien qu'attends-tu ?! AIDE VIKY !! Vociféra t-elle.

- On se calme ! Gronda le Nain la main posée sur la crosse de son arme, prêt à la dégainer.

- Garde toi d'agir le nabot, j'ai besoin d'elle pour sauver Viky, mais dans quel état ? ça dépend de toi ! Rétorqua Mina en tordant peu à peu le bras de l'Elfe jusqu'à son point de rupture.

Pheare n'hésita point une seconde pour s'interposer entre Dummkhar et le Vampire qui arborait une mine franchement terrifiante. L'humaine agita des bras en signe de protestation, puis joignit les mains sous son menton afin de faire de son silence, une supplication. En réponse, la prédatrice desserra légèrement son étreinte, mais non sans l'agrémenter de quelques mots.

- Qu'elle fasse ce que je lui demande, et tout se passera bien !

S'en suivit une bousculade qui envoya Pheare et Dummkhar au tapis, libérant ainsi le passage qui les conduirait toutes deux jusqu'à l'inconsciente. Inquiet pour sa moitié, le Nain se releva aussitôt, ce qui ne fut point le cas de l'humaine qui demeura gisante. Il arma son tromblon, puis visa la tête de Mina !

- Vous pensez pouvoir la faire repousser ?!

Arme qui lui fut aussitôt arrachée de ses mains pourtant puissantes, par la télékinésie du Vampire. Désormais braqué par son propre crache-feu suspendu dans le vide, Dummkhar leva doucement les bras en vu d'apaiser les tensions qu'il avait contribué à créer.

- Et toi ? A cette question, la gâchette de l'engin se mit craquer. Ce que le canon vise, ça éclate il me semble ? Reprit Mina en s'adressant à l'Elfe. Allez, SOIGNE !! Ordonna t-elle une fois de plus, tout en jetant sa prise au chevet de Viky.

Côté Ydris, au moins aussi déterminée que pouvait l'être Mina à l'égard de Viky, se mit en quête d'un élément susceptible de soulager Pheare. Inconsciente de ce qui se tramait depuis le corridor qu'elle distançait, la Drow finit par tomber sûr une gigantesque tête en pierre, trônant au centre d'une pièce circulaire. La statue représentait le Roi Sildar avec un visage beaucoup plus avenant que dans son souvenir. En y regardant de plus près, la prêtresse remarqua que l'effigie était en réalité suspendue à un plafond qui s'effaçait dans les ténèbres. Et après s'être légèrement décalée, elle distingua un autre visage là où devrait normalement se trouver une oreille. Il s'agissait d'une femme, peut-être son épouse. Intriguée, Ydris fit rapidement le tour pour ainsi découvrir deux autres faces. L'une était un Nain qu'elle n'avait jamais vu, et l'autre une Elfe qui lui ressemblait étrangement ! Poussée par la curiosité, le coeur de l'étrangère s'emballa brusquement lorsqu'elle remarqua que sous la couche de poussière, la joue gauche de la statue accusait un stigmate identique au sien...

À peine avais-je effleuré le dispositif qu'une nouvelle apparition de Fidia nous fit face. Écoutant à peine la demande de Ydris qui proposait l'idée d'explorer cet endroit, mon attention  pleinement focalisée sur les prochains mots de la machiniste. J'avais pour intention de procéder à petits pas et pas m'enfoncer dans ce complexe sans savoir où l'on avait mis les pieds. Intriguée par les informations que pouvait nous fournir la machiniste, je restais toutefois sur mes gardes. Nous étions ici à l'abri. À part Mina, qui pouvait décider de décapsuler toutes nos têtes sur un coup de colère, nous étions pour le moment dans une relative sécurité. Autant en profiter, non ? Du moins, c'était mon propre avis... J'étais persuadée que Dummkhar était du miens.

Après avoir reculé de quelques pas, mon corps entier fébrile à l'idée de ce que l'on allait pouvoir découvrir, je me postais aux côtés de Dummy. L'hologramme conta les faits d'une récente lutte contre les démons de Prugarass. Mais j'étais incapable de me remémorer totalement tout les événements qu'il y avait déjà eu. Nous avions déjà participé à tant de bataille, avant que je ne me perdes dans mes songes pendant des jours et des jours... Néanmoins, il me semblait tout de même important d'écouter attentivement même si, de prime abords, ce qu'elle disait n'avait pas d'utilité dans la situation présente. La machiniste savait pertinemment dans quel couloir nous allions nous aventurer et la vitrification des environs n'avait pas été faite pour rien. Cette dernière avait pour volonté de nous envoyer ici. Mais pour quelle raison ?  Ses actes avaient un sens que j'avais du mal à saisir... mais je comptais bien le découvrir. En espérant trouver des éléments de réponses en ces lieux.

Attentive à ce qu'elle nous disait, je fus surprise de voir qu'elle fit apparaître le plan de l'arme fétiche de mon nain. M'approchant rapidement de l'image que j'arrivais à percevoir grâce à mon masque, je parvenais à comprendre sa conception et comment Fidia s'y étais prise. Il me resterait qu'à y apporter ma petite touche personnelle lors de mon prochain voyage onirique afin d'offrir à Dummkhar une arme de destruction massive. Seulement, au vu de tout ce beau monde qui m'entourait et en qui je n'avais absolument aucunes confiance, en-dehors de ma moitié, il me serait impossible de m'y engouffrer à nouveau sereinement. Les bras croisés, me mordillant l'ongle de mon index, j'étais contrariée. J'avais une petite mine d'or sous la main mais je ne pouvais pas nourrir ma créativité. Fort heureusement, ma frustration ne dura pas longtemps puisqu'un mouvement du Belrin attira mon attention. Me retournant, je compris qu'il s'était précipité vers une autre strass mémoriel, celle positionnée à côté de là où je me trouvais. Ni une ni deux, je ne me fis pas prier et je fis de même en allant le rejoindre... Je me doutais bien qu'il espérait alors trouver des réponses supplémentaires sur des armes capables de nous défendre contre ces démons. Ce serait toujours utile si nous venions à tomber nez à nez avec quelques uns d'eux.

Me positionnant à côté de Dummy, impatiente d'y découvrir de nouveaux éclaircissements, Fidia fit son retour. Non pas sans me faire légèrement sursauter. Cependant, comme si nous lisions dans les pensées de chacun, ma moitié et moi-même nous interrogions. Cinquième rapport ? J'avais pas le souvenirs d'avoir parcouru tant de distance au point de sauter les deuxième, troisième et quatrième comptes rendus de la machiniste... Tout les deux, nous nous penchions sur l'inscription du dispositif. Lui par la vue, moi par le toucher en effleurant la surface de ce dernier. On ne s'était pas trompés... nous étions dans la Strass numéro trois et le rapport était le cinquième. Haussant les épaules, je décidais ne pas trop me poser de question pour le moment mais gardait cela dans un coin de ma tête. Préférant alors suivre le monologue de la petite Belrin. Me reculant de deux pas, me positionnant derrière ma moitié, bras croisés, me grattant machinalement la joue.

Dans ce qui semblait être la continuité de l’enregistrement précédant, elle y faisait alors mentions des fameuses balles explosives des armes des soldats Belrin. Mais aussi... cita le nom de Shemlen qui évoquait quelque chose au fond de moi mais je n'arrivais pas à en saisir le souvenirs. Mais arrivée à la fin de ses propos, à l'instar du tromblon de tout à l'heure, Fidia laissa apparaître le schéma de la baguette magique. Me penchant alors subitement par-dessus ma moitiés, mes mains appuyées sur ses épaules, je ne voulais pas rater la moindre miette. Ces catalyseurs, j'en avais déjà vu quelques uns sur les champs de bataille et je savais à quel point ils étaient puissants. Capable d'amplifier la magie de mes semblables. Malheureusement, je n'avais pas eu la possibilité d'en avoir une pour l'essayer, n'étant pas une pure magicienne. Surtout que personne n'avait jamais été mis au courant des dons qui m'habitaient. N'étant alors considérée que comme une simple soldate un peu douée dans la création de sort ou d'armes sophistiquées. Seule ma famille proche et mon Dummy avaient connaissance de mes rêves hors du commun. Mon frère ayant été le premier informé même s'il eut beaucoup de mal à me croire. Il me fallu rapporter quelque chose d'introuvable ici bas pour qu'il accepte l'existence de ces derniers. Qu'est-ce que j'avais rapporté ? Une fleur. C'était aussi bête que cela. Une de ces variétés qui ne poussaient que à Lalwendë de part la magie dont elles se nourrissaient pour se maintenir en vie. Elles étaient semblables à des orchidées et étaient capables d'être habitée par des esprits, à ce que l'on disait. Mais sur ce point là, ce n'était que des affabulations pour moi. De ces belles légendes que l'on racontait aux citoyens en deuil pour les rassurer. Comme quoi les esprits des êtres chers pouvaient habiter ces dernières pour continuer à veiller sur eux, au plus proche. Néanmoins, n'étant pas non plus une faiseuse de miracle, cette dernière n'en était qu'une pâle copie malgré la description précise dans les livres écris par mes parents. Tous les dessins et texte ne me permettait pas de la maintenir en vie. Alors, elle disparu simplement et continuait à vivre dans mon monde onirique.

Mon regard figé sur la représentation du catalyseur, je faisais tout pour enregistrer au plus profond de ma mémoire son plan de fabrication. Me demandant aussi par la même occasion si quelques exemplaires de ceux-ci se trouvaient ici, dans le Kaig ? J'avais peu d'espoir là-dessus... mais il allait falloir que l'on rejoigne Ydris qui s'était dirigée plus en avant, dans tous les cas. Il y aurait sûrement d'autres strass mémoriel. Non pas que les deux que nous avions visionnés n'avaient pas comblés une certaine curiosité... mais nous n'étions pas pour autant plus avancés sur notre situation. Nous ignorions toujours comment sortir l'amie de Mina de son inconscience n'y comment soigner Pheare qui ne pouvait pas être aidée par de la magie simple.

Affichant une certaine déception lorsque la baguette magique disparu de mon champ de vision, la voix de Dummy m'interpella soudainement. Me redressant, relâchant ma pression sur ses épaules, la main droite frottant ma joue et mon menton, j'étais en pleine réflexion. Ma moitié me conta alors l'acte héroïque de Shemlen et je compris très vite le sens de cette création en son nom. Il était partit de manière détonante et la baguette était d'une efficacité détonante avec la magie de mes semblables. Ça avait du sens.

- J'avais entendu cette histoire de la bouche de plusieurs Oubliés... C'était un acte héroïque et c'est une bonne manière de l'honorer, de la part de Fidia... Commençai-je tout bas avant d'enchaîner sur la question qui me taraudait le plus. Non pas que j'avais pas de respect envers mes ancêtres mais parce que la situation présente ne s'y prêtais pas, le temps pressait. Mais ces rapports dans le désordre me perturbe, tout comme toi j'imagine ? Crois-tu que c'était volontaire ? Crois-tu que l'on puisse trouver des exemplaires de cette baguette ici ou d'autres modèles de ton Tromblon qui pourrait nous... Hmm ?

Coupée nette dans mes propos décousus, j'aperçus alors la silhouette de Pheare passer dans mon dos pour se précipiter vers ce qui me semblait être une autre alcôve. Ensuite survint un soupire d'exaspération qui, par pur réflexe, me fit bondir sur le côté afin de dégager la voie à cette masse vampirique qui s'en retournait auprès de son amie gisante plus loin. Bousculant Dummy au passage. En temps normal, j'aurai protesté pour la bousculade sur mon Nain mais... c'était Mina. Ce n'était pas le moment de venir l'astiquer avec mes commentaires. Préférant donc garder le silence et porter mon intérêt sur l'humaine. Non pas sans m'assurer que Dummy n'avait rien, même si ce n'était qu'une petite secousse. D'une main tapotant le dessus de son crâne, je laissais alors mon attention se porter sur l'humaine. Quant à l’elfe noir, elle ne s'était pas repointée depuis. Pas de nouvelle, bonnes nouvelles ? C'était ça que l'on se disait, non ? Suis-je trop naïve pour vous ? Probablement...

M'approchant alors doucement de Pheare, accompagnée du Belrin, on découvrit alors une machiniste bien différente des deux précédentes fois. Cette fois-ci, pas d'énonciation du numéro de rapport et un changement de ton. D'abords intriguée, mon intéressement s'intensifia lorsque le nom de Ma Reine fut prononcé. Que venait faire Aërlina là-dedans ? Était-ce pour cela que les rapports étaient dans le désordre volontairement ? Déjà que l'incompréhension était totale, cette annonce venait juste de mettre un coup de pied dans ce château de carte déjà bien bancale. Tout s'était écroulé et plus rien n'avait de sens. Qu'avait bien pu voir la reine pour en venir à réussir à convaincre Fidia ? Mais à peine m'étais-je posé la question qu'un début de réponse se présentait déjà à nos oreilles indiscrètes.

Selon les dires de Fidia, nous devions être trois, ou quatre, si celle-ci avait réussi à accomplir quelque chose. Sûrement le fait d'avoir remonté le temps sur le corps mourant de la vampire chère à notre Mina ? Ce ne pouvait être que ça, ce dont elle faisait mention. Je ne voyais pas autre chose... Mais par réflexe, je me retournais dans la direction où étaient supposées se trouver Mina et Viky. Ensuite, mon regard se posait sur le dos de l'humaine et une petite pensée partit pour Ydris qui était seule en vadrouille un peu plus loin et dont je ne discernais plus l'aura. C'était bien ça... Quatre étrangères... Dont une qui devait être en train de dépérir en ce moment si une Oubliée présente avec eux se refusait de faire quelque chose.  

*Il y a aussi une Oubliée... un truc inconnu de notre monde...

- Euh... quoi ? … Moi? Percutai-je enfin, dans un murmure au souffle coupé.

Qu'est-ce que je pouvais bien venir faire là au milieu !? Comment pouvais-je bien sauver Viky si j'ignorais ce qui lui arrivait ? Je suis bien incapable de sauver qui que ce soit... Mais je me retrouvais désormais bien embêtée que le secret de mon don ait été soufflé comme ça, sans crier gare, même s'il n'avait pas été nommé. Mais les mots employés me faisait soudainement passer pour une créatrice de miracle. Me mordant la lèvre inférieure, mon regard foudroyant la silhouette holographique de Fidia, maudissant aussi les astres de ne pas avoir suggéré à Aërlina d'étouffer l'existence de ma magie onirique.

Non pas que je ne désirais pas en faire usage mais que je n'étais que dans une confiance bien trop fragile dans ce groupe. Je me refusais aussi de laisser Dummy seul, à nouveau, avec un tel danger ambulant aux dents bien pointues et dans l'incapacité de pouvoir me défendre. Malgré les faibles explications approximatives que la machiniste fournissait à mon intention, je n'étais pas avancée quant à la marche à suivre. C'était bien beau de me jeter la responsabilité de la vie d'autrui sur le dos mais personne, ni même les astres, s'étaient-ils penchés sur ma capacité à le faire ? Je ne suis pas une faiseuse de miracle ! Aussi beau pouvait être mon don... aussi puissant qu'il pouvait paraître... aussi pratique qu'il pouvait me l'être dans la vie de tous les jours... il était une malédiction profondément ancrée en moi. Mais il était aussi quelque chose dont je me séparerai jamais puisqu'il me permettait alors de pouvoir vivre la vie de mère que les miens m'avaient retirée. Pour autant que je respectais ma Reine, je la maudissais tout autant pour m'avoir arraché mon fils.

La fin des déclarations de Fidia, qui semblaient complètement lunaires comparés aux précédentes, confirmèrent la véracité de ce qu'elle annonçait. La Reine Oubliée avait vu juste. Le nom de Pheare et Ydris avait été lancés. Les deux autres inconnues ne pouvaient être que les deux vampires. Fermant les yeux, serrant les dents, je pressentais que les choses allaient très vite devenir tendues. J'en venais même à espérer qu'une autre Oubliée traînait dans les parages et que la Drow allait simplement revenir avec elle. Mais non... Ma constellation m'était très fidèle, encore une fois.

Une force, brutale, me saisit alors au col, me tirant à elle. Je pu sans mal reconnaître là notre chère vampire. Le mouvement fut si soudains que je sentis ma nuque craquer sous l'emprise de cette dernière. Sentant mon visage proche du sien, son souffle glissant sur mes joues, je tentais juste à garder mon calme en déglutissant doucement et ne démontrer aucunes faiblesses.  La vampire me hurlait d'aider son amie... Et même si j'étais amputée de mon empathie naturelle elfique, je comprenais aisément la douleur qu'elle pouvait éprouver vis-à-vis de l'impuissance qui l'habitait. Je n'avais aucunes intentions de subir sa colère comme une certaine humaine un peu plus tôt. Je voulais l'aider. Même si dans les faits, il m'était impossible de sauver son amie. Les explications étant si faibles et le temps manquant cruellement. Malgré la volonté qui m'animait, la réalité elle, elle était toute autre. J'allais devoir imposer mes conditions et que cette vampire réussisse à se calmer un peu...

- Je ne sais même pas... ce que je peux faire...! Commençais-je à dire, dans un gémissement, tentant de masquer cette douleur qu'elle m'imposait pour me forcer à venir en aide à Viky.

Il ne fallut pas moins d'une seconde à Dummy pour réagir à son tour et demander le calme. Entendant immédiatement sa main se déposer sur la crosse de son arme lorsque la vampire m'avait saisie au col. Mais malheureusement, ça ne faisait qu'aiguisé la colère de la buveuse de sang. Celle-ci s'emparant désormais de mon bras qu'elle se mit à serrer et tordre très forts. Une douleur aiguë parcourant tout mon corps, je maintenais le silence en serrant les dents. Ma main gauche cherchant frénétiquement le cristal de force dans ma sacoche. Respirant fortement et profondément, je ne désirais point m'affaiblir sous ses menaces. Même quand cette dernière laissait entendre très clairement qu'elle ne se priverait pas de m'ôter une partie de mon corps au besoin. Croyait-elle pouvoir obtenir mon aide de la sorte ? Je n'agissais pas sous la torture. J'étais une soldate. Les démons de Prugarass étaient de loin les choses les plus violentes que j'avais pu affronter. Nous étions donc tout naturellement entraînés à résister à cette peur de perdre des bouts de nous-même afin d'être les plus efficaces sur le champs de bataille.

L'intervention de Pheare, que je compris facilement qu'elle appelait elle aussi au calme, permit à la pression exercée sur mon bras à se relâcher. Reprenant mon souffle. La vampire voulant de moi que je sois obéissante et fasse un miracle que personne, hors des Divinités, pouvaient accomplir. Croyez-vous alors qu'une personne guidée par la constellation du suicide soit capable d'accomplir une telle chose ? Ramener une âme perdue, on ne sait où, dans son corps afin de la stabiliser ? C'était une invocation de Loominëi ou Xiris qu'il leut fallait là, pas de moi !

Je me fis presque traînée à même le sol, comprenant alors que mon kidnappeur me dirigeait auprès du corps inconscient de Viky. Je tentais vainement de protester en tentant de la ralentir des talons mais rien n'y faisait. La prédatrice était complètement obsédée par son propre désir. Ma main gauche ayant désormais saisit le cristal de force dans ma sacoche, j'étais prête à en libérer toute la force qu'il contenait. Dans le simple but de lui coller la beigne la plus puissante que j'aurai pu mettre à quelqu'un. Dans l'objectif de la calmer et la mettre inconsciente elle aussi. Son attitude, certes compréhensible, était dangereux pour tout le monde. Et dans son élan, elle avait jeté mon nain et Pheare au sol. Chose que je n'acceptais pas. Ce ne fit que la voix de Dummkhar qui m’empêchait alors à me lancer dans cette tentative au allures suicidaires. Menaçant Mina à son tour, son tromblon braqué sur elle, de toutes évidences. Un claquement me fit alors comprendre que l'arme n'était plus en possession du Belrin, aussitôt dégainée. Mina menaçait alors de l'abattre si je ne m'exécutais pas. Me jetant à terre à côté de sa semblable. Mon regard aussitôt braqué sur la silhouette du Tromblon voletant dans les airs. L'étrange magie de la vampire agissant sur ce dernier. Pheare, elle, ne semblait pas se lever et son aura semblait se dissiper petit à petit...

- Ca va... CAVA ! Calme-toi ! Je vais l'aider même si j'ignore complètement quoi faire... Cherchant à tâtons la main droite de Viky que je finis alors par saisir pour voir si déjà je pouvais percevoir une quelconque activité magique agir en elle, mais rien. ... Mais commence par rendre le Tromblon à Dummkhar, s'il te plaît. Il ne fera rien. N'est-ce pas, Dummy ? Disais-je en relevant la tête dans sa direction. Par ma question, je lui demandais de me faire confiance, de ne pas agir contre Mina et me laisser une chance de tenter de calmer les choses. Il vaut mieux que l'on soit tous prêt au cas où des Démons se pointeraient... On est jamais trop prudent avec ces choses là.

Je n'acceptais pas que la vie de Dummkhar soit menacée de la sorte. Même si cela me rendait nerveuse et inquiète, je luttais pour ne pas le montrer et garder mon sang froid. Nous avions déjà vécu situation bien plus tendues avec des démons. Alors, en ne faiblissant pas, je voulais lui tenir tête et lui faire comprendre que nous devions en apprendre plus pour réussir à la ramener. Ne perdant pas de vue l'aura faiblissante de l'humaine toujours allongée au sol un peu plus loin. Je tentais alors de récapituler les événements dans l'objectif de raisonner la vampire, même si cela pouvait sembler peine perdue comme ça.

- Fidia a sauvé ton amie en lui faisant remonter son temps corporel. Elle n'a jamais fait mention d'un danger de mort imminente, juste d'un point de rupture psychologique sur lequel nous allions devoir nous pencher tous ensemble pour la faire revenir à elle. J'ai déjà vu de telle chose se passer. Mais je dois comprendre comment la stabiliser d'abord... Déglutissant lentement, désignant d'un mouvement de tête l'humaine comateuse. Cependant, occupez-vous de Pheare ! Tu m'as rejetée tout à l'heure quand j'ai voulu l'aider, prétextant qu'elle se restaurait toute seule. Pourquoi rien ne se passe et qu'elle semble mourir à petit feu depuis ? Il faut aussi que quelqu'un l'aide à ne plus perdre autant de sang et que l'on change sa position le temps que l'on comprenne ce qui lui arrive aussi...

Mon cœur battant la chamade à la vue de l'arme toujours en train de flotter en direction de ma moitié, je gardais un timbre de voix calme et qui ne montrait pas l’intention de duper la prédatrice. J'étais très au clair de la menace qu'elle était pour moi et du peu de moyens dont je disposais pour l'arrêter. Je ne possédais que ce cristal de force pour l'envoyer à terre sans même la certitude de la mettre hors d'état de nuire le temps de la paralyser. J'avais aussi le désire de venir en aide à Viky mais que pouvais-je bien faire ? « L'isoler en lieu neutre »... Ça n'avait aucuns sens ! Merci Fidia et ma chère Reine de me mettre un tel couteau à la gorge.

- Comme l'a dit Fidia dans ses mémoires... nous devons nous aventurer plus en avant dans le Kaig. Tout cela à un sens, surtout si Aërlina est liée à tout ça. Il y a probablement de quoi nous y aider là-bas... Ydris a peut être découverts quelque chose de vital.

Mon attention se portant alors à nouveau sur Viky, je posais une main sur sa joue, tournant légèrement sa tête. Avec délicatesse, je ne faisais pas de mouvement brusques. Laissant le temps à Mina de percevoir chacun d'eux avant qu'il ne soit fais. Tentant de percevoir quoi que ce soit avec mon masque qui pourrait me donner une piste par laquelle commencer. Mais rien. La présence de Mina m'empêchait de réfléchir convenablement, surtout dans cet état. Jamais je ne pourrai être capable de sonder mes rêves pour y trouver la solution avec elle si près de moi et menaçant d'exploser le crâne de ma moitié. Attendant toujours que l'arme soit abaissée et que Dummy soit hors de danger et libre de ses mouvements pour mener les recherches pendant que j'étais coincée auprès de la comateuse.

- Je t'en prie Mina... Je vais aider Viky ! Mais pour cela, j'aimerai déjà un geste d'apaisement de ta part... Déclarai-je alors en commençant à retirer mon manteau pour arracher l’entièreté d'une manche de ma chemisette, la déchirer sur toute la longueur pour en faire un grand bandage et la tendre en direction de Dummkhar. Dans l'intention qu'il s'en serve pour bloquer au mieux l'hémorragie de l'humaine et que son sang reste en elle. Histoire de gagner du temps. Même si j'avais aucunes foutues idées si cela fonctionnerait ou non, il fallait faire quelque chose !

Mon corps était fébrile mais ma détermination était pour l'instant inébranlable. J'avais bon espoir que Mina relâche un peu la pression. Je comprenais pleinement ce qu'elle traversait et j'allais faire ce que je peux pour l'aider même si j'avais aucunes pistes sur laquelle me tenir. Au-delà de ma colère contre Aërlina, si elle avait lu quelque chose nous liant dans les étoiles, c'est que fallait que je suive cette route. Même si ça me révulsait.

Faire bande à part, me retrouver seule sans pour autant être prisonnière, voilà quelques temps que cela ne m'était arrivé. Je pris une grande inspiration permettant à mes épaules de se détendre un peu. Je n'oubliais guère mes compagnons dont l'une sévèrement blessée non, je profitais simplement de l'instant présent et de la relative sécurité du Kaig de cette curieuse femme. Bien évidemment la découverte des projections de Fidia était capitale et j'étais convaincue que c'était par son intermédiaire si nous avions atterri ici. Je commençais même à me demander si quelque part, tout ça n'était pas "prévu". Par qui et pourquoi ? Aucune idée mais tout s'était enchaîné avec tant de logique. La femme et son robot apparaissant aux bons moments, nous fournissant de précieuses informations, épargnant habilement nos vies avant de finalement nous conduire jusqu'en sa demeure... Est ce que je me faisais des idées ? Ce n'était pas improbable, j'aimais voir des connexions qui n'existaient parfois que dans mon esprit ou les prières que j'adressais à Azura.

Cependant si mes allégations avaient ne serait ce qu'un iota de vérité, ce Kaig ne devait pas être négligé. Je faisais confiance à mes compagnons pour me rapporter ce qui serait important. L'état de Pheare me préoccupait davantage. J'avais été témoin oculaire de la rapidité à laquelle l'humaine pouvait se régénérer et ce malgré son état des plus alarmant. Alors pourquoi une blessure si "bégnine" n'avait elle absolument pas évolué ? Je n'avais pas conscience clairement du temps qui s'était écoulé mais je sentais comme une problème plus profond qu'il n'y paraissait. Et la femme chevalier n'en disait rien ou plutôt n'en montrait rien. Jusqu'à ce qu'elle ne puisse tenir certainement. C'est avec ce besoin d'utilité, et cette quête de calme intérieur que je m'enfonçais davantage dans la demeure de notre hôte.

Bientôt les voix des autres ne furent plus audibles et je me retrouvais seule. Sans arachnide qui plus était ce qui était à souligner selon moi.  Je ne tardais cependant pas à trouver une autre salle. Je m'arrêtais un instant sur le seuil, prenant le temps de l'observer. Circulaire et façonnée avec une grande finesse comme tout ce que nous avions pu voir depuis notre arrivée ici bas. Là où les miens (ou plutôt les adeptes de Lolth) visaient le coté pratique, les nains et oubliés rendaient la beauté. Au centre de ce cercle se trouvait une statue près de laquelle je m'approchais. Pas besoin de cela cependant pour reconnaître le roi Sildar. Quoique son visage me paraissait étranger. Il n'était point habité par la haine, le mépris et la cruauté. Epoussetant la surface d'une main, je tentais de concilier les deux images représentant le nain dans mon esprit. Ainsi je me trouvais face à celui que Anezka avait autrefois aimé avant qu'il ne sombre dans la démence. A présent juste devant la statue, je me rendis compte que celle ci était suspendue au plafond... ou ce qui servait de plafond car je ne pouvais distinguer où celui ci commençait tant les ténèbres semblaient engloutir cette partie de la salle.

Prenant le parti de continuer mon observation je passais sur le coté de l'effigie pour y trouver un second visage accolé à celui du roi. Féminin, celui ci m'était totalement inconnu. J'ôtais une nouvelle fois la poussière afin d'y voir plus clair. Pourrait il s'agir de d'Anezka avant son emprisonnement ? D'une grande beauté la statue dégageait une aura de dignité et de sérénité qui correspondait parfaitement à l'expression de celle de Sildar. Intriguée par ce que je pourrais trouver d'autre sur cette curieuse structure je continuais mon tour de celle ci. Une autre face, celle d'un nain à n'en pas douter bien qu'il me soit lui aussi inconnu. Peut être que Shaileen et Dummkhar sauraient me renseigner ? Et finalement un dernier visage. Je clignais plusieurs fois des yeux craignant que ma vision me jouait des tours mais non, il s'agissait bien d'une elfe. Ses oreilles, la forme de son visage,... tout confirmait cette hypothèse. Cependant et outre le fait de trouver une effigie d'une surfacienne ici, quelque chose d'autre me dérangeait profondément. Je n'étais pas narcissique bien que j'aimais à rendre gloire à ma déesse de par mon physique, je connaissais bien mes traits. Et plus je regardais cette statue, plus je... nous trouvait des ressemblances. Plus que ça en fait, elle aurait pu correspondre à ma jumelle. Perplexe j'en vins à la nettoyer elle aussi, soulevant une nouvelle vague de poussière qui engendra un éternuement discret. Mes doigts s'arrêtèrent sur la joue gauche de son visage rencontrant une rugosité particulière. Inconsciemment mon autre main trouva ma propre joue et le stigmate qui s'y trouvait à présent. Je longeais les deux cicatrices, obligée d'admettre quelles étaient tout à fait similaires.

-Impossible... Comment se fait il que je me retrouve ici ? Je réfléchissais tout haut. Cette statue ne datait pas du mois dernier au vu de la saleté alors comment ? Mon double, la véritable Ydris d'Astrune n'avais jamais mis les pieds ici, le roi ou n'importe qui n'aurait pas manqué de me reconnaître. Qui plus était, elle ne portait pas cette particularité qui était bien plus récente. De plus, ceux de la surface n'étaient ils pas des plus rares en ces terres ? J'avais beau essayer, je ne pouvais expliquer le fait que je me retrouve sculptée ici. A moins que, comme j'avais commencé à songer, d'autres personnes n'aient orchestré les évènements. Cela revêtait toutefois une autre profondeur que celle que j'avais pu imaginer. De la voyance ? Une sorte de prédiction ? Je devais faire part de cette découverte au groupe qui m'accompagnait. Et bien qu'il me coûtait de revenir les mains vides, je ne me voyais pas continuer sans partager cette information. De plus un certain temps s'était écoulé et je tenais à prendre des nouvelles de notre blessée... Je ne pouvais m'éloigner trop longtemps. Je me résolus donc à faire demi tour, réfrénant ma curiosité à aller de l'avant.

Mes pas se firent bien plus rapides qu'à l'aller et je parvins rapidement au corridor. Il semblait que les projections aient cessé et je pouvais entendre la voix de Mina hurler d'ici. Mais la première personne que je rencontrais et auprès de laquelle je me précipitais fut Pheare. Celle ci était au sol, manifestement incapable de se relever par elle même. Que s'était il passé ? Je me retins de lui poser la question. J'appelais par réflexe ma magie mais ne tardais pas à me rendre compte que c'était toujours aussi vain. Par dessus tout je craignais de la déplacer, sollicitant une force qu'elle n'avait peut être pas, tant son teint comme sa blessure étaient mauvais. Ne pouvant comprendre la querelle j'assurais à l'humaine revenir au plus vite avant de filer en direction du petit groupe regroupé autour de Viky. Mina braquait de par sa télékinésie l'arme du nain contre lui même, ordonnant par la même occasion à Shaileen de soigner sa soeur de race. Quelle mouche l'avait donc piquée ? Je ne perdis pas de temps et me plaçais devant la femme vampire, bloquant son champ de vision.

- Vous avez perdu la tête ? Avançais je avec aplomb, déterminée. J'étais moi aussi agacée et inquiète, pas le temps de prendre des gants donc. De plus Mina n'était pas du genre à apprécier tourner autour du sujet. Viky va bien pour le moment ! Elle est juste inconsciente et a besoin de repos, surement pas de soin au contraire, vous ne voudriez pas aggraver sa situation non ? Je laissais planer cette question quelques secondes avant d'ajouter, en signe d'apaisement. Elle n'est pas en danger immédiat et on ne sait pas assez sur ce qui a été utilisé sur elle, il est plus sur d'attendre son réveil.

Je commençais sérieusement à perdre patience. La vampire avait des sentiments très profonds envers l'autre femme mais je savais aussi que cela l'aveuglait quant à ce qui se passait autour d'elle. Serrant les poings et sentant mes ongles rentrer lentement la paume de mes mains,  je me retins d'en venir aux mains craignant d'aggraver son état. Au lieu de cela je haussais la voix et passais devant l'arme du nain qu'elle maintenait en l'air. J'attrapais fermement celle ci et fit office d'écran à Dummkhar avant de reprendre.

- Ssussun... Regardez autour de vous ! Pheare est au bord de la rupture ! Vous n'avez pas remarqué qu'elle ne guérit pas ? Elle va mourir si on agit pas très rapidement. Alors si Shaileen peut soigner par je ne sais quel procédé c'est sur elle qu'elle doit se concentrer.

Je criais presque, fusillant Mina du regard. Je n'avais pas sa force et ne pouvais rivaliser face à elle mais j'espérais que me voir lui tenir tête pourrait remuer quelque chose en elle. Elle était venue pour Pheare et moi, donc elle avait à cœur notre survie. Il ne restait plus qu'à lui montrer la priorité si tant était qu'elle veuille bien écouter le message. Je n'avais pas spécialement réfléchit avant d'agir aux conséquences de me faire tirer dessus si la colère prenait le dessus de la femme vampire. J'agissais moi aussi par pulsion, en réaction à la peur, la fatigue et la succession d'évènements qui nous était tombé dessus. Je ne me laisserait pas jeter de coté, peu importe combien Mina pouvait être puissante. Il en allait de la vie de Pheare à mes yeux. Alors si la vampire voulait s'entêter, elle allait se heurter à de sérieuses difficultés car je ne comptais pas lui faciliter la tâche.

Cette fille était libre de supplier, mais jamais Mina ne rendrait son arme au bout d'homme ! Si c'était là son seul moyen de pression pour contraindre cette gueuse aux oreilles effilées d'embrasser la cause de Viky, alors elle pouvait compter sur sa détermination ! Régis par la crainte de cette nouvelle menace, l'Elfette consentait à se montrer coopérative, ce qui, contre toute attente, excéda la prédatrice ! Car en se montrant charitable, l'aveugle admettait que la solution au problème qui tourmentait son acolyte, reposait entre ses mains depuis le départ. Dans un ronflement terrifiant, Mina densifia l'atmosphère par la seule force de sa télékinésie. Et tandis que la gueule métallique du tromblon se collait littéralement sur la bouche du Nain, la gamine se lança dans un monologue qui ricocha sur la silhouette aux pupilles orangées telles des gouttes de pluie. Pas un mot n'atteignit cette dernière, pire encore, le barbu, prisonnier d'un linceul invisible, finit lui aussi dans les airs, complètement immobilisé par la puissance du Vampire. Ce fut là son seul geste d'apaisement, soit celui de ne pas l'avoir encore tué !

Il fallut que la voix d'Ydris retentisse pour que Mina, alors saisie par l'écho, mette un bémol à sa folie. Son corps s'était raidi, mais la lueur sinistre de ses yeux vacillait toujours. Le ton et l'expression en accord avec sa colère, la Drow soutint que Viky ne courait aucun danger. Qu'il suffisait d'attendre pour qu'elle se réveille. Qu'est-ce qui pouvait rendre la prêtresse aussi certaine ? Pas une seul fois celle-ci ne s'était penchée sur la malheureuse pour l'ausculter ! Alors à quel moment aurait-elle pu poser son diagnostic ? Cela ressemblait de plus en plus à un raccourci cousu de fil blanc, à la seule fin de faire passer l'urgence supposée de Pheare, avant celle de Viky ! Machinalement, son regard assassin se braqua sur l'humaine qui gisait un peu plus loin. Un coup d'oeil subliminal qui ne devait durer qu'une fraction de seconde, mais en constatant l'épais liquide noirâtre qui auréolait sa tête, le sang de Mina se cristallisa dans ses veines. Au nom d'une peur poussée jusqu'à son extrémité la plus vicelarde, Mina fut sur le point de trahir sa promesse. Elle avait juré sur l'essence même de sa vitae, qu'elle reviendrait chercher les deux femmes pour les ramener à la lumière du jour. Par ailleurs, dans le cas où sa Reine la retiendrait, la prédatrice avait été jusqu'à réquisitionner l'aide providentielle d'une Hydride et d'un Drow. Et par sa seule faute, Pheare rendrait l'âme dans ce trou ? Il n'en fallut guère plus pour que la raison retrouve son chemin !

- Un conseil, si tu cherches à m'atteindre, évite de t'injurier ! Répondit posément la prédatrice en se ruant au chevet de l'humaine. Une main flegmatique sur la gorge ouverte de la blessée, Mina, comme pour décompresser, poursuivit sa tirade. Ssussun pholor dos ! C'est pour les gueux de ton espèce, à l'instar du cloporte que j'ai croisé après vous avoir quitté. Redirigeant sa télékinésie sur la chair meurtrie de Pheare, l'arme du Nain, ainsi que le Nain lui-même, répondirent à l'appel de la gravité. Oloth plynn dos ! Serait plus indiqué, bien que me concernant, ce juron a tout du pléonasme. Des mots presque heureux, à défaut du désespoir qui voguait sur son faciès enténébré par le regret.


Bien qu'il ne tomba guère de haut, sa fierté fit une chute vertigineuse. Assis sur son séant, son tromblon devant lui, Dummkhar réfléchissait à sa vie de Nain. Bien heureux fut l'homme porteur de barbe, car sans elle, toutes pourraient se rire de la marque circulaire qu'avait laisser le canon de son crache-feu autour de sa bouche. Inspirant profondément, le Belrin finit par se relever. S'il avait s'agit de quelqu'un d'autre, nul doute qu'il aurait profité de ce retour au calme pour achever cette maudite Viky par simple esprit de vengeance. Au lieu de cela, le Façonneur remercia Ydris du regard, puis alla s'accrocher à la main de son aimée.

- Merci...

Cette reconnaissance fut murmurée tant elle était douloureuse à exprimer. Et alors que dents-pointues charriait la prêtresse, Dummkhar haussa brusquement des sourcils.

- Vous allez bien ? Lança t-il à l'étrangère, avant d'enchainer à l'attention de Shaileen. Ne le prend pas mal, mais est-ce que tu vois la même chose que moi ?

Par "voir", le Belrin faisait bien entendu allusion à la perception de l'Oubliée, et non à la vue commune de tout un chacun. Car voilà que la silhouette d'Ydris était en train de s'estomper, à tel point qu'il fut désormais possible d'observer Mina par son travers ! A la manière d'un flash lumineux qui s'étiole à chaque battement de paupières, la prêtresse finit par complètement disparaitre, comme si son existence même était remise en cause... Prudemment, le Nain s'avança vers l'image disparue pour tenter de s'en saisir, mais ses doigts boudinés nagèrent en plein vide. La prêtresse s'était volatilisée.

Pour Mina en revanche, le focus était tout autre. Car malgré la puissance effective de sa télékinésie, la peau de Pheare refusait de se tendre pour colmater la plaie. Son sang noir, à la semblance de plus en plus liquide, jaillissait littéralement à présent. A chaque pulsation de son coeur, une giclée maculait la pâle chair du Vampire. Nul besoin d'être versé dans le domaine pour présager l'imminence de sa fin.

- Bon sang ! Mais fais quelque chose ! Râla Mina à l'égard d'Ydris, sans parvenir à la trouver du regard. Ses sens étant suffisamment aiguisés en dépit de son état mental, il serait stupide et perte de temps que de questionner les deux autres sur cette soudaine absence. Dos au mur, Mina en revint à son plan initial, à la différence que, son approche fut beaucoup plus civilisée.

- Je sais que je n'ai pas à vous demander ça... Mais s'il vous plait... aidez-moi.

La situation était alarmante, si bien que Dummkhar en oublia l'affront subit pour appuyer la demande de dents-pointues. - Souviens toi de ce qu'a dit Fidia, il te faut créer une atmosphère neutre tout autour d'elle pour la sauver. Ne me demande pas comment ni pourquoi, ce n'est pas de mon ressort. Mais il est certain que si tu n'essaies point, rien ne se passera. Le Belrin conclut ses propos en rapprochant la demoiselle de Pheare. Le regard suppliant, les pupilles désertées de leur lueur sinistre, Mina faisait peine à voir, plus encore que l'égorgée.

Peu après sa disparition, Ydris se retrouva de nouveau face à cette immense sculpture du Roi Sildar. En réalité, celle-ci n'avait jamais quitté la salle, et le discours qu'elle imposa à Mina fut le fruit d'une projection de sa conscience. En outre, lorsque le visage de pierre se mit à vrombir, provoquant ainsi l'avalanche de toute une quantité de poussière qui chut à sa base. La Drow ne put qu'observer les yeux vides du Roi sculpté, s'illuminer d'un bleu azur, comme si deux torches avait remplacé le roc. De là, une voix tonitruante s'éleva dans les ténèbres.

- Curieux, je me retrouve encore au milieu de ce décor lugubre, mais votre visage m'est inconnu. L'être au timbre désincarné donna l'impression de réfléchir par un long grommèlement. Si c'est votre première fois, je vous demande de m'excuser pour mon impolitesse. Je me nomme Sildar, et je suis actuellement le Monarque de Roz... Hmm... Pardonnez-moi, décidément, je ne m'y fait point. Fidia m'affirme que l'amnésie est normale, mais il est tout de même fâcheux de faillir comme je le fais. Permettez que je reprenne. Marquant une courte pause, la voix alla droit au but. En ce moment, je suis en plein songe, et c'est de vous que je suis en train de rêver. J'ignore comment Fidia s'y est prise, alors je vous prie de ne pas me soumettre à la question. Tout ce que je sais, c'est que quand je me réveillerai, je me souviendrai de vous quelques minutes, puis vous oublierai si j'omets de coucher cette rencontre sur vélin. Je sais aussi que vous n'appartenez point à l'époque que je vis, ce qui est extrêmement perturbant pour un esprit aussi cartésien que le mien. Mais puisque vous êtes là, il me plairait de savoir qui vous êtes. Vous venez de la surface ? La dernière question fut presque chuchotée tant la curiosité pesait sur ses cordes vocales.

Il n'y avait rien de surprenant au fait que la langue de Sildar soit celle que Ydris comprenait le mieux, ainsi était fait le monde des rêves, universel, et accessible à tous. En résumé, la prêtresse communiquait avec le bon Roi Sildar pendant que celui-ci dormait entre deux journées de règne, ou de guerre contre les Démons de Prugarass. Pour lui, c'était une nuit comme les autres.

Le bras tendu, en l'attente d'un geste d’apaisement de la part de la vampire, je me rendais bien compte que mes mots n'avaient trouvé que le vide et le silence comme oreilles. Mina ne comptait visiblement pas m'offrir ce que j'attendais d'elle ni que la situation soit plus propice à ce que je l'aide. Tant qu'à compliqué d'avantage les choses, je sentais que l'air autour de moi était devenue bien plus lourde. Apercevant des énormes filament d'énergie parcourir les atomes voletant autour de moi. Cette dernière espérait vraiment que je lui vienne en aide sous une telle pression et menace ? Quant bien même je saurai quoi faire, aurait-elle eu la jugeote de comprendre ce que j'allais devoir lui expliquer concernant mes pouvoirs oniriques sans croire que je me fichais d'elle ? « Hey écoute, je vais piquer un somme, ça va prendre une vingtaine de minute, pendant que tes amies sont en train de canner, t'es d'accord ?  Veilles sur nous, hein !» Et puis quoi encore ! Mais surtout, je n'avais nullement aucunes confiances en elle. Des gifles étaient vraiment en train de se perdre ! Jamais je ne saurai m'enfoncer dans mon monde onirique avec un tel danger à mes côtés... Surtout si aussi, Dummy était toujours sous la menace de sa propre arme ! La seule manière pour que je puisse y voyager afin d'en extirper une solution viable pour sauver Pheare et Viky, c'était qu'il veuille sur moi et seulement lui !

Mais absolument rien n'y faisait, ni même ce que je pouvais lui dire. La tension ne cessait de grimper et je pouvais sentir, sans même le voir, que l'étau se refermait dangereusement contre mon nain et je ne pouvais rien y faire. Devais-je prier un Dieu ? Devais-je prier ma constellation qui se chargeait déjà bien de me mettre dans de beau draps pour aggraver encore plus ma situation ? Je ne pouvais m'empêcher d'espérer de voir surgir Ydris afin de détourner l'attention du monstre de puissance qui me dominait de toute sa taille. Me menaçant de me retirer la chose qui m'était le plus cher. Certes, j'étais agenouillée aux côtés de Viky, le bras toujours tendu, immobile, mon poing serrant de toutes mes forces le tissus qui se froissait dans ma main. Mais en rien je ne lui étais soumise d'une quelconque manière. Peut être étais-je complètement incapable de faire quoi que ce soit contre elle mais je préférai alors mourir ainsi que de me soumettre à ses moindres coups de colère. Aussi compréhensibles étaient-ils, je m'y refusais.

Commençant alors à me relever doucement, une jambe après l'autre, alourdie par la puissance que Mina laissait irradier dans tout l'espace environnant, je ne la quittais pas des yeux. Son silence en disait très long sur ses intentions et l’importance qu'avaient eues mes paroles. Tout avait littéralement ricoché sur elle. Qu'allais-je bien pouvoir faire pour me sortir de cette situation en évitant le pire à Dummy ? Me sacrifier ? Me jeter sur la vampire avec suffisamment de force pour l'étourdir un instant et laisser la possibilité à mon nain de se tirer d'affaire ? Bien que je savais pertinemment qu'il n'était pas du genre à m'abandonner. Mon frère m'ayant suffisamment raconté ses multiples visites à la maison alors que je m'étais égoïstement enfuie dans mes rêves. Soucieux de si j'allais décider ou non de rendre l'âme sans que qui que ce soit puisse faire quelque chose pour l'empêcher ? Mais plusieurs fois, j'y avais songé. Plusieurs fois je m'étais même loupée. Mais y avait toujours quelque chose pour m'en empêcher en ce faux souvenir que je m'étais fabriqué pour représenter mon fils. Alors même que je m'étais assurée de l'isoler et le mettre en état de stase pour qu'il soit impossible pour lui d'agir, il avait toujours parvenus à m'extirper de mes plus noires pensées. Même quand j'avais, dans ma plus profonde dépression, envisagé d'assassiner purement et simplement ma Reine Aërlina. Mais à chaque fois, il avait été là pour « m'assommer » et me noyer dans mon rêve et m'enfouir dans un autre songe afin de me revitaliser et me soigner de ses pensées noires qui aurait fait de moi un monstre. Chose que j'avais toujours éviter d'être.

Bien que je savais qu'il était « faux », que je ne l'avais jamais vu grandir et que, peut être, je ne le verrai alors jamais en atteignant la surface, mes instincts de mère l'avait façonnés instinctivement. Mon rêve aurait été de pouvoir attirer Dummy à l'intérieur de mes songes et qu'on s'y enferme pour toujours mais je ne savais pas comment m'y prendre et je me demandais encore si cela était une bonne idée. Commençant à tenter de créer un dispositif pour extirper notre enfant de là et l'amener dans la réalité, j'avais toujours échoué. Me heurtant constamment à un mur que j'étais incapable de traverser. Soit par un manque de connaissance, une limite à mon pouvoir ou, alors, à une morale qui m'était propre. Était-ce réellement une bonne idée de l'amener là, dans ce monde, au risque de le perdre définitivement ? Devais-je alors inverser la situation et y enfermer Dummkhar à l'intérieur et trouver la solution pour isoler mon corps de manière à qu'il se fige dans une sorte d'espace temps et m'enfermer dans mon monde avec eux pour toujours ? Devais-je passer par le fait de tuer Dummkhar pour cela ? C'était la question qui m'avait taraudée mais que je m'étais refusée d'y apporter une réponse. C'est alors pour cela que je m'étais réveillée récemment et m'étais-je soudainement mise l'objectif en tête de retrouver mon véritable fils. Prenant alors le risque d'outrepasser les règles et d'y laisser ma vie. Mon frère n'aurait alors de cesse de me rechercher et, peut être, me retrouvera t'il en cours de route ou, lui aussi, parviendra t'il à sortir à la surface et voir le monde qui était censé être le notre à la base ? Chevaleresque comme il l'était, il serait torturé entre son devoir et moi.

Mais alors que je m'attendais à me prendre une sacrée beigne de la part de la vampire afin que je m'exécute dans ses ordres qu'elle m'avait lancée, sous la menace de me retirer Dummy, une voix me coupa le souffle. YDRIS ! Le soulagement m'envahit alors même que la situation n'était pas réglée pour autant. La Drow s'était interposée, grognant toute sa désapprobation sur la vampire. Qu'est-ce que j'étais contente et soulagée qu'elle soit revenue ! Soupirant longuement, sentant tout mon corps se relâcher et reprendre son souffle, je me sentais revivre sur l'instant. Toutes mes idées de plan de révolte s'effacèrent de mon esprit et se relocalisèrent directement sur la présence de mon nain non loin de moi. J'entendis alors quelque chose retomber à même le sol, suivit d'un son métallique. Me faisant alors comprendre qu'elle avait relâché son emprise sur lui et ses menaces s'étant envolées, mes jambes faillirent et je me retrouvais à genoux. Essoufflée, tendant la main dans la direction que je pensais le trouver. Ignorant complètement l'échange entre Ydris et Mina, j'espérais que sentir la main de Dummkhar s'emparer de la mienne. À peine l'avais-je levée que mon souhait fut exaucé. Soupirant de soulagement, je me serrai contre lui, comme pour m'assurer qu'il ne lui manquait pas de bout. Il était bien entier, Mina ne lui avait rien fait. J'étais rassurée.

- Merci... Ydris. Avais-je alors murmurer à l'intention de la Drow pendant que j'enlaçais Dummkhar.

On avait connu des situations bien plus dramatique que cela mais on était toujours en situation connues et entourés d'alliés. Là, on était que les deux. Si je venais à le perdre, je ferai tout pour condamner la situation et les emporter avec moi. Quitte à perdre, autant que nous perdions tous, non ? J'avais un comportement destructeur mais qui m'était finalement très fidèle et représentatif de la constellation dans laquelle ma naissance avait baigné. Néanmoins, mon caractère quelque peu chaotique n'avait de cesse à vouloir atteindre mon entourage afin de ne plus me retrouver à être seule. Seule à souffrir. Seule à rire. Seule à pleurer. Seule à éprouver de la joie....

Quand je sentis alors Mina s'éloigner et enfin porter de l'attention à la pauvre humaine se vidant de son sang et que la voix de mon nain m'extirpait de mes pensées, je ne pris même pas acte du mot qu'il espérait que je ne prenne pas mal. J'avais bien compris et relevait mon regard dans la direction désignée. Ce que j'aperçus alors me perturbait un peu... Ayant toujours mon bout de vêtement dans ma main, complètement froissé, je me relevais alors et le jetais à la figure de la Drow. Je perçu la perturbation, comme une onde. À l’instar de vaguelettes sur l'eau. S'estompant sur les bords et à mesure que la silhouette disparaissait. Pourquoi n'avais pas percuté quand la Drow m'était apparue comme si j'avais recouvré la vue ? Je l'avais vue telle qu'elle était et non pas sa source de magie.

- C'est... une illusion... comme Fidia? Bien que je savais que ce n'était pertinemment pas le cas, il était évident que la Drow n'était pas là et ne l'avait jamais été. Alors quoi ? Était-ce une projection ? Avait-elle été piégée en partant toute seule et il fallait qu'on le comprenne ainsi ? Il faut la retrouver... elle est sûrement coincée plus loin. Quelle bonne idée d'être partie toute seule, aussi... Murmurai-je à Dummy alors que je me relevais après toutes les émotions éprouvées et dont mes jambes me le faisaient sentir par des fourmillements dans toutes leurs longueurs.

Néanmoins, nous fûmes interpellés par la vampire qui nous demandait alors de l'aider. La rancunière que j'étais l'aurai tout bonnement envoyée paître mais au vu de la situation, ce n'était vraiment pas une solution. Je ressentais bien, même sans empathie, qu'elle était devenue soudainement une pâle copie d'elle-même et ne savait plus quoi faire. Comme un nouveau né qui comprenait pas pourquoi un carré n'entrait pas dans un triangle. Je n'eus même pas besoin de fournir de réponse dans l'immédiat que je me laissais entraînée dans le mouvement par Dummy qui me dirigeait alors auprès de Pheare et la vampire. Je m'agenouillais à côté du corps inerte, sentant mon pantalon éponger le sang de celle-ci, je réfléchissais et écoutais le Belrin à mes côtés qui me rappelait les consignes de Fidia. Mais je n'avais aucunement confiance en Mina, quant bien même elle était devenue plus désemparée que moi. Mais c'était dans ce genre de moment qu'un individu devenait justement le plus dangereux et imprévisible. Claquant de la langue, je me résignais alors à lui expliquer ce qui allait se passer et le lui imposer la réalité des choses et énoncer mes règles et conditions pour que tout cela se passe le plus normalement possible.

- Bon... Je vais être rapide et concise. Tu auras envie de m'arracher la tête en pensant que je me fiche de toi... Mais... Tu ne comprendras pas mon pouvoir dans l'immédiat. Disons que j'ai des dons oniriques mais pour ça, je dois sommeiller et je dois avoir confiance en toi et tu dois me jurer aussi de me protéger dans mon sommeil. Sinon, ce n'est pas possible... Commençais-je alors à lui dire en lui tendant ma main droite afin qu'elle s'en saisisse et que nous signons un accord tacite. Que tu écoutes et suives les indications que Dummy donnera à mon sujet si quoi que ce soit arrive. Il ne faut surtout pas que je me réveille prématurément. Cela doit durer entre dix et vingt minutes et je vais tenter de trouver la solution en parcourant mon autre monde. D'un ton sérieux, je faisais bien comprendre à la vampire que je ne me payais pas sa tête et que je racontais la stricte réalité des choses. Tu penses sûrement que je me fiche de toi, mais ce n'est pas le cas. Même Fidia n'y croit pas mais je sais que toi, tu peux me croire. Pendant ce temps... Faites ce qu'il faut pour maintenir Pheare et rester aux aguets d'un éventuel réveil de Viky, on est jamais trop sûrs...

Mon regard se tournant vers Dummy, je n'avais pas besoin de lui dire ce qui allait se passer et il savait comment s'y prendre pour que je ne me réveille pas si jamais je devais être déplacée. Mais malgré tout, malgré que j'avais la possibilité d'avoir un sommeil lourd assez facilement et la capacité de m'endormir n'importe où, je ne pouvais le faire que dans un endroit sûr ou entourée de personne auxquelles je pouvais faire confiance. Alors, gardant ma main tendue pour attendre la réaction de Mina, qui avait tout intérêt à démontrer qu'elle me confiait sa confiance, j'étais prête à plonger dans mon monde onirique et disposer de près de deux heures dedans, pour vingt minutes dans la réalité, afin de trouver la solution aux problèmes de Pheare et Viky. Une bulle neutre pour l'humaine et une claque de réalité pour la vampire. J'espérais que c'était dans mes cordes. Sinon quoi, je lui laisserai le plaisir de me décapsuler la tête et de disposer de mon corps comme bon lui semble pour le réduire en charpie en échange de laisser Dummkhar repartir.

Même avec un masque cachant mes yeux mortifiés, Mina pouvait sentir l'expression déterminée que j'avais et l'intention de lui venir en aide afin de faire mon possible pour sauver ses amies. Une fois qu'elle aura accepté de serrer ma main, je m'allongerai aux côtés de Pheare, en tenant sa main à elle et me laisserai emporter par mes songes. M'assurant alors que Dummy soit le plus en sécurité possible aussi afin de le faire. Mon autre main serrant toujours celle de mon nain, toutes mes émotions passaient au travers de celle-ci. Mon visage immobile, quittant pas des yeux celui de Mina.

Je soupirais de soulagement. Si Mina se mettait à critiquer et même à vouloir corriger mon langage c'était que nos paroles l'avaient atteinte. Bien sur elle avait pensé que je l'insultais alors qu'en fait je ne faisais que maudire la situation. La femme vampire se rendit aussitôt au chevet de Pheare qui agonisait et dont le fluide vital ne cessait de couler. L'impuissance même si elle finissait pas devenir une triste habitude ne cessait de me frustrer. Le nain ainsi que Shaileen me remercièrent avant de me regarder....étrangement. Dummkhar s'osa même à me demander si j'allais bien. J'observais alors mes mains machinalement, cherchant en quoi je pouvais être si dérangeante à la vue ou même les sens de nos compagnons. Je grimaçais alors constatant qu'en lieu et place de mes membres je voyais le sol. Et la sensation ne tarda guère à s'étendre à tout mon corps. Je cherchais Mina ainsi que Pheare du regard uniquement pour constater qu'elles aussi devenaient transparentes. Je me sentais comme aspirée, appelée, repoussée et malgré tous mes efforts pour rester en cet endroit, je disparus aux yeux de tous, y compris des miens.

L'espace de quelques secondes, peut être moins ce fut le néant qui s'offrit à moi avant que je ne vois de nouveau. Une salle circulaire quasi vide ainsi que les statues. Je jetais un oeil sur mes mains qui étaient à présent aussi noires et solides qu'à leur habitude. J'étais donc de retour à cet endroit que j'avais pourtant quitté afin de m'enquérir de l'humaine et de faire connaître mes découvertes aux autres. Etais je seulement partie d'ici ? au vu des sensations éprouvées lors de ma disparition je dirais que seule ma conscience, mon esprit avaient quitté la salle. Une projection ? C'était pourtant fort étrange car je ne possédais aucunement cette habileté, du moins que je sache. Cet endroit possédait il ses propres lois ? Il y avait aussi la possibilité que je venais de vivre une sorte de prémonition ou une invention sortie de mon propre esprit... Mais dans ce cas pourquoi les autres m'auraient ils vu disparaître ? Bref je commençais à me torturer le cerveau comme seule moi pouvait le faire assez régulièrement quand un puissant vrombissement me sorti de cet enchevêtrement.

Je tournais sur moi même à la recherche de son origine et la trouvait en la statue du roi Sildar. Une avalanche de poussière ne manqua de se répandre à sa base et aux alentours, moi comprise. Une fois celle ci dissipée, en lieu et place des orbite creusées vide, je pouvais à présent contempler deux yeux semblables à tes torches couleur azur. A cela s'ajouta une voix reconnaissable malgré le fait que le timbre différait. Je laissais le monarque prendre la parole. Il semblait lutter avec ses mots, évoquant l'amnésie. Au fur et à mesure de son monologue je compris que la personne qui s'adressait à moi était l'ancien roi ou plutôt celui qu'il était avant de devenir...fou. Mon cerveau tournait à plein régime. Je n'essayais point de comprendre comment la chose était possible. C'était peine perdue et je sortais tout juste d'un précédent noeud au cerveau. Fidia cette femme étrange avait prouvé être capable de bien des choses en ce qui concernait le maniement des objets alors lier cette statue aux rêves du roi... pourquoi pas après tout. Je réfléchis quelques instants à ce que je devais, pouvais dire. C'était complètement incongru...

- Ce n'est pas la première fois que nous nous parlons mais vous m'êtes en effet inconnu. Le roi ici présent ignorait tout de ce qu'il se passait dans ses songes s'il ne le notait pas sur vélin... Etait ce pour cela que mon visage était présent ici ? Avait il retranscrit notre échange puis l'avait transmis à Fidia ?  Je me nomme Ydris et je suis une...  Je roulais légèrement les yeux au plafond en proie au souvenir de notre précédente rencontre ...une drow. Oui je viens de la surface. Vous dirigez un royaume somptueux dont les êtres de la surface n'ont que peu connaissance. Un léger sourire apparut sur mes lèvres laissant transparaître mon admiration quand à l'architecture, la technologie et la culture du secret des êtres des profondeurs. Sildar avait mentionné Fidia à plusieurs reprises aussi je me permis de revenir sur elle. Fidia  est en effet une personne extraordinaire. Gardez là auprès de vous en toute circonstance si je puis me permettre de vous donner ce conseil. Bien que sachant qu'il allait tout oublier ou presque une fois réveillé je me demandais ce que je pouvais ou ne pouvais pas lui dire. Le roi n'avait pas du se souvenir de beaucoup concernant notre échange sinon certaines choses seraient différentes aujourd'hui. Du moins c'était là mon rapide raisonnement. Que se passe t'il comme évènement important autour de vous présentement ? J'essaie de me représenter votre présent. De votre coté, si vous avez des questions allez y, je répondrai au mieux de mes connaissances. J'essayais de me renseigner quant à l'époque depuis laquelle le monarque s'adressait à moi. Je ne savais pas de combien de temps je disposais, néanmoins, j'avais décidé de ne pas noyer Sildar sous un flot d'informations qui se perdraient et le ferait souffrir ne serait ce que le temps d'un songe. Ce n'était pourtant pas l'envie qui me manquait de lui balancer ce qu'il allait se passer, les démons, sa folie, Anezka. Seules la raison et le souvenir qu'il ne garderait rien de cela en sa mémoire me retenait. De ce constat ne ressorti qu'un soupir frustré.

En arrière plan je n'oubliais pas le fait qu'il me fallait retrouver mes compagnons d'infortune et ainsi comprendre ou tout au moins vérifier ce qui m'était arrivé. J'espérais de tout coeur que Shaileen allait pouvoir faire quelque chose pour Pheare. Je ne doutais pas de la coopération de Mina à présent que celle ci s'était... ralliée à la réalité. Je n'avais d'autre choix que de me consacrer au monarque en l'instant et même si nombre de questions me venaient à l'esprit j'étais bien en peine de les poser. Avoir une trop grande connaissance, bien que clairsemée de vides plus ou moins géants était quelque chose de particulier, nouveau et pas forcément très agréable. Je savourais néanmoins le fait de pouvoir connaître différemment ce roi, celui dont m'avait parlé son épouse. Il me serait certainement plus facile ensuite de m'imaginer ce que la pauvre femme avait pu me décrire.

Quand la Drow s'exprima, le visage du Roi demeura mutique, on pouvait même lui deviner, derrière ses traits de pierre, un esprit pensif. Ydris donna de la voix dans autant de directions qu'elle put ; Sa première rencontre avec le pendant sombre de son interlocuteur, une brève présentation de sa personne, brosser un portrait flatteur de Fidia. Comme si la prêtresse d'Azura craignait qu'un manquement que sa part ne soit en mesure d'altérer le futur de Rozmiar, et donc, son présent actuel. Puis conclut par diverses questions en lien avec ce passé qui lui faisait tant défaut. La voix rocailleuse grogna sous le joug d'une intense réflexion, mais avant que le silence pesant du Kaig endormi ne balaie son écho, une réponse fut retournée à la Drow. "Votre curiosité vous honore, Ydris de la surface. Hélas je ne puis étancher votre soif de savoir, tout Monarque que je suis, il ne m'est guère permis de braver les forces qui nous séparent. Et croyez bien que je le regrette." Soudain ! La voix se tut, presque trop longuement au gout de la prêtresse, puis elle reprit, d'une manière tout aussi improviste : "Je pense comprendre le rôle qui m'a été confié. Oui... je me souviens désormais. Je me la représente encore, dans cette nébuleuse incertaine qui arpente mes songes. Fidia qui quémande de sa voix d'enfant, de guider l'étrangère. Pas une étrangère comme on l'entend, mais l'Étrangère, avec une majuscule. Êtes-vous cette Étrangère, Ydris de la surface ?"

Interloquée par ses bribes de rêve qui la mettait en vedette, la Drow, alors noyée par ce flot de questions qui inondait son esprit, répondit par l'affirmative. Ainsi, le Roi Sildar put orienter l'attention d'Ydris sur une dalle triangulaire située à seulement quelques pas de sa position. Bien que la prêtresse en remarqua une seconde sur sa gauche, le visage de pierre l'invita à se concentrer sur celle de droite. Et après s'être assurée de son écoute, la voix sage et tonitruante du monarque, convia Ydris à faire pression sur le socle. Quand elle finit par s'y résoudre, les forces mystiques en présences désertèrent la sculpture, à l'instar d'un feu-follet s'échappant d'une tombe. D'un souffle sans brise, les flammes qui animaient les yeux éteints de la statue, disparurent dans les ténèbres. Une bêtise ! s'il en était, aurait peut-être été préférable. Car après que l'obscurité sourde et aveugle n'eut fait son retour, un invisible, mais néanmoins gigantesque mécanisme, se mit en branle ! La roche gronda, provoquant une cascade de poussière suffocante qui trouvait sa source en surplomb de la structure. Le bruit continu d'une meule brisant le grain permit à Ydris de comprendre que tout était en train de bouger. Et quand les particules de grès cessèrent d'être irritantes, le facies du Roi avait cédé sa place à l'effigie de la Drow...

Cette fois encore, les prunelles rocailleuses de la nouvelle statue s'illuminèrent, avec une différence notable cependant ; les flammes dansantes étaient tintées de rouge. "Enfin ! La voilà..." Soupira l'entité sous la forme d'un écho sur un ton presque plaintif. Et alors que la voix rauque et sombre d'Ydris s'élevait depuis chaque recoin, une force issue de l'éther enserra l'abdomen de la prêtresse. Son contact était glacial, et aussi repoussant pouvait il être, il laissait la désagréable impression de combler un vide. "Chaste..." Avant même que la Drow ne puisse comprendre le pourquoi de ce terme, son double de pierre fit une phrase de ce mot : "Aussi chaste que dans mon souvenir, cela ne devrait guère m'étonner, et pourtant..." S'offusquant des mimiques de sa vis-à-vis, l'écho déjà orgueilleux, enfla de colère : "Ne fait pas mine de me découvrir, petite prétentieuse ! Je devine ma propre essence au coeur même de ton aura." Un silence pesant s'ensuivit, comme si la présence se livrait à la réflexion. "Qu'importe que je sois dans tes songes, ou pire... une invocation dévoyée. Si je me manifeste à toi en ce moment, c'est pour te parler d'un sujet qui me préoccupe !" Nul doute que le sujet en question allait requérir tout le potentiel de la prêtresse, surtout si cette dernière consentait à en devenir l'esclave.


Tandis que la fièvre algide désertait ses entrailles, Ydris, à sa grande surprise, en apprit davantage sur elle-même. - Tu l'as toujours su, n'est-il point ? Que tu étais différente ?! On ne bondit guère de monde en monde quand on est une Drow comme tant d'autres. La première dont tu te souviennes, te confronta au royaume de Féérune. Je ne vais pas m'étaler sur cet épisode, mais sache qu'il y eut une avant-première avant que tu ne pousses tes premiers cris. La dématérialisation qui nous intéresse cependant, est celle que te conduisit sur ces terres. Il s'agit là de ton terminus, tu ne te transféreras plus ! Fini le mal temporel ! Alors que sur Féérune mon apparition fut anecdotique, ici j'eus le temps de profiter de trois années consécutives, j'aurais même pu jouir d'une vie bien remplie si la mort ne m'avait point fauchée.

On pouvait toutefois s'étonner de l'absence de caractère qui régissait autrefois le double d'Ydris. L'annonce de sa mort pouvait bien sûr l'expliquer, à moins que : - Tu dois te demander pourquoi je te raconte tout ça ? Comme si j'avais la vocation de causer pour ne rien dire ! Je n'ai jamais supporté d'être toi, alors quand cette vie s'est offerte à moi sans ton ombre pour me tenir la bride, j'ai foncé, oh ça oui ! j'ai foncé ! Bien que je fus tenue au secret à cause du Roi fou, j'ai brisé une à une ces interdictions que tu m'avais dressé depuis ta repentance. Le délice de la chair fut ma préférée ! Un petit rire empli de mépris se fit entendre, mais curieusement, ce ressentiment n'était point dirigée contre la prêtresse. Je ne m'attendais guère à ce que ce quart de poivrot aient les roupettes suffisamment lestées pour me mettre en cloque ! Ouh... on dirait que je vais trop vite pour toi ! Oui, j'ai forniqué, cela doit te surprendre au moins autant que ton abstinence insulte notre race toute entière !

Le pendant sombre d'Ydris se tut un instant, comme pour préparer son interlocutrice à entendre le pire. Puis se fut gorgée de colère, que la voix tonna derechef ! - Il m'avait pourtant certifié que cela n'arriverait point ! Par vengeance, j'égorgeai ce prétentieux pour ces mensonges ! En réponse on m'isola au cachot, parquée comme une bête honteuse ! Environ deux mois plus tard, la gourde qui leur sert de Reine se permit de me visiter. Et alors que mon abdomen déformait peu à peu ma silhouette, cette vipère me fit la proposition, on dirais-je plutôt, l'offense, de me soustraire ma progéniture pour quelque espoir d'avenir sous un ciel étoilé. Celle là je te jure, une vraie cruche au bec fêlé ! Elle insista sur le fait qu'ici bas, rien ni personne ne lui accorderait cette chance. Mais pour le peu que tu en saches, tu devines bien que je ne cèderai jamais rien à ce prétendu Destin ! C'est pourquoi, enorgueillie par un désir coupable, je me mis à charger un des proches murs qui m'encadrait. Le ventre en avant, je visais à tuer le problème dans le l'oeuf ! Mais c'était sous-estimer les pouvoirs et la détermination de cette garce. En somme, elle et ses sbires me forcèrent à enfanter ! C'est ainsi que je fis la connaissance d'une certaine Fidia.

Indépendamment de la volonté de la prêtresse, sa sinistre jumelle se matérialisa juste devant elle. Désormais unies dans une même temporalité, la voix de la statue et le spectre sombre d'Ydris, s'exprimèrent à l'unisson.


- Non mais regarde un peu ta dégaine, tu as l'air d'une épave ! Pourquoi ce n'est pas ta conscience qui est chevillée à la pierre ? S'annonça t-elle dans un premier temps. Bref ! Si le cran te le permet, tu en apprendras davantage sur ta nature quand tu t'enfonceras dans ce complexe ! En ce qui me concerne, j'aimerais te parler de ma fille. Oui, j'ai manqué plus d'une fois de la trépaner avec tout ce qui m'était possible d'empalmer ! Mais elle n'en n'est pas moins la partie vivante de ce que je fus, et ne serais jamais plus. Alors si tu pouvais la prendre sous ton aile, pour lui montrer autre chose qu'un visage froid et un caractère acariâtre, peut-être gagnerait-elle en longévité. En second lieu, le double d'Ydris se fit plus calme, tant et si bien, qu'elle en parut presque sage. J'ai atterri ici trente ans avant que tu n'arrives à ton tour, puis fus trucidée quand ma fille braillait encore ! À l'époque, je logeais ici, dans ce Kaig. Mais souffrant d'un mal d'action que tu ne pourras jamais comprendre, je servis de repas aux bêtes de Prugarass sans que nul n'en sache rien, en dehors de Fidia et quelques Oubliés. La machiniste parvint néanmoins à préserver ma conscience dans une sorte de noyau d'Astrium qui alimente désormais cette statue lorsqu'on l'active. Voilà donc de quelle façon j'ai tenté d'éduquer ma fille !

Jamais encore le pendant sombre d'Ydris ne sembla aussi investi. Chacun de ses propos, témoignait d'une souffrance profonde. Deux lourdes mains finirent néanmoins par choir sur les épaules de l'intéressée, et par le tranchant de son regard sans fond, la Drow ajouta : - Je te demande de veiller sur elle avec la même ferveur que tu réserves normalement à ton cure-dent, Fënaro ! Elle s'appelle Améthyste, et de ce que je peux en savoir, c'est une Aralsia tout à fait unique de par sa nature. Un être issue d'un Nain et d'une Elfe-noire, il ne peut en exister qu'un exemplaire. Alors je compte sur toi ! À l'écouter, le double ne laissait guère de choix à l'original. Tu trouveras son caisson un peu plus loin, cela fait dix ans qu'elle est ainsi préserver, maintenant va !

Même pas le temps pour la prêtresse d'argumenter, que son image déchue disparut, au même titre que son effigie retrouvait le silence.

Pendant ce temps, du côté de Shaileen et Duumkhar, après que Mina se soit quelque peu assagie. L'état de Pheare se faisait de plus en plus préoccupant. Alors que la rêveuse expliquait à la prédatrice la préparation qui lui était nécessaire pour faire usage de sa magie, cette dernière essayait tant bien que mal de commander au sang qui s'écoulait sur la roche, d'affluer dans le corps gisant qu'il s'évertuait à fuir. Les canines enfoncées dans sa lèvre inférieure, le Vampire donnait tout ce qu'il pouvait, sans pour autant obtenir davantage de résultat... Il fallut que Viky gémisse depuis son coin, pour qu'une conscience nouvelle inonde le regard absent de Mina. Relevant brusquement la tête, cette dernière comprit alors que son acolyte émergeait enfin de son coma. La manière qu'elle avait de couiner, de s'étirer, comme si elle était encore une Mortelle peinant à se lever, termina de convaincre la Nocturne sur le bien-être de sa protégée. Forte de cette conviction, le sang de Pheare cessa de s'épancher sur le sol. Sans même forcer, Mina parvint à rendre à l'Humaine, par le biais de sa télékinésie, l'essentiel de son fluide corporel.


- Viky... Chuchota t-elle. Puis, reprenant ses esprits, celle-ci ajouta : Je tiendrais le temps qu'il faudra, va donc pioncer ! Mais que ton barbu s'assure que Viky aille bien !

Bien que ses mots étaient acérés, nulle menace n'en découlait. C'est pourquoi Duumkhar répondit par l'affirmative après qu'il eut aidé sa bien aimée à s'allonger sur ce sol dur et rugueux. La prédatrice avait certes ostensiblement refusée de lui serrer la main, qu'elle n'en demeurait pas moins digne de confiance. Sur ce point là tout du moins. Plaçant sa veste sous la tête de Shaileen, le Nain la rassura d'une caresse franche sur la joue. Elle pouvait dormir sur ses deux oreilles, tout se passerait bien, il y veillerait ! Il était désormais temps pour elle, de rejoindre le monde des rêves, son monde…

Bien, qu'il en soit donc ainsi. La vampire avait peut être refusé de serrer la main que je lui tendais mais je ne lui en tenais pas du tout rigueur. Je comprenais avec l'aisance la plus simple qu'elle allait tenir parole. Après tout, je ne voyais pas comment faire autrement. Si nous l'aidions pas après ce que tout le monde avait entendu, on serait tués sur le champs, mon nain et moi. On avait beau avoir de l'expérience du combat et des technologies qui leurs échappaient complètement, on ne ferait pas le poids ce coup-ci. Hochant la tête franchement, je détournais mon attention sur Dummy qui était en train de retirer sa veste. Je voulu protesté mais je me retenu. Je savais bien que c'était, là aussi, peine perdue de chercher à le contredire dans son action. Alors je jetais un dernier regard à Pheare, allongée au sol. J'observais le sang de cette dernière remonter dans sa plaie grâce à la magie qu'utilisait Mina sur son hémoglobine. Me repassant en boucle les paroles de Fidia en tête.

Pouvais-je seulement songer à la téléporter dans mon monde pour qu'elle soit complètement isolée de celui-ci ? À quel point cela serait-il risqué, autant pour elle que pour moi ? J'avais bien des idées de quoi tenter pour parvenir aux résultats de l'hologramme de Fidia... Mais il me faudrait donc choisir vite ! Le temps s'écoulait certes pas vraiment de la même manière entre mes deux mondes mais cela ne me laissait pas pour autant toute la durée d'une journée à ma disposition.

- Quand faut y aller... Soupirai-je doucement à plusieurs reprises pour commencer à laisser mon corps rentrer dans une sorte de transe qu'il serait impossible à expliquer à quelqu'un qui n'y étais pas familiarisé. Je vais faire de mon mieux. Courage pour ici !

M'allongeant alors doucement, grimaçant lors mon dos se posait sur la surface rugueuse du sol, je tournais mon visage en direction de Dummkhar. Il déposait sa main sur ma joue, une main qui m'était toujours si réconfortante. Je vins la couvrir de la mienne pour remonter le long de son bras et finir par lui tapoter le bout du nez à deux reprises de mon index. Laissant un sourire de toute mes dents illuminer mon visage alors que mon souffle se faisait de plus en plus lent et doux.

- Ne t'inquiète pas. Lui susurrai-je délicatement. T'es tombé amoureux de la meilleure Oubliée qui soit, ne l'oublie pas.

Ma voix s'éteignant petit à petit, mon bras se relâchant pour retomber sur le siens, je finis alors par voir le monde illusoire autour de moi s'écrouler. De leurs points de vues, ils purent alors voir l'épée accrochée à ma hanche ainsi que le masque sur mon visage briller et se dissiper comme une poussière de diamant. Mon visage se révélant alors complètement... des yeux fermés paisiblement. Ces derniers entourés d'une brûlure presque surnaturelle. Seule marque visible de la malédiction d'Aërlina lorsqu'elle m’ôta la vue. Des veinures blanchâtres parcouraient alors ma peau, comme si une toile d'araignée avait scellé mes yeux pour l'éternité.

Pendant ce temps, sentant la brise froide du hall où j'étais disparaître petit à petit, je me sentis soudainement tomber dans un vide sans fin. Une douce lumière venant donc caresser tout mon être, traversant mes paupières encore closes. Le souffle fouettant mes oreilles, je fus soudainement arrêtée, rouvrant délicatement les yeux pour accueillir la lumière du jour. Un coucher de soleil précisément. Balayant d'un regard rassuré et enchanteur le paysage de nuage, à perte de vue, sur lequel j'avais atterris en douceur. Me relevant doucement. Cherchant alors mon domaine pour m'y rendre. Claquant des doigts, faisant résonner le son qui en fut produit dans tout le ciel me dominant. J'étais peut être seule, mais j'aimais tout de même me donner en spectacle. Quitte à faussement m’impressionner toute seule pour me satisfaire.

[S'endors et rejoint son monde Ici - À la frontière des Songes et l'Infini]

Ainsi le roi statufié n'était pas en mesure de me révéler ce qu'il se tramait à son époque. Était il bridé même dans ses rêves ? Voilà qui allait réduire de beaucoup le champs des possibilités qui s'offrait à nous. Cette affirmation fut suivie d'un silence. Bien trop long à mon goût si l'on prenait en compte le fait que cette interaction pourrait prendre fin à tout moment. Les paroles suivantes ne furent pas celles que j'attendais. Interloquée et le front barré d'un froncement de sourcils confus, un flot d'interrogations menaçait de s'échapper de ma gorge tant il m'était incompréhensible que la petite Fidia enfant puisse m'évoquer moi, en ces termes dont moi seule avait connaissance. Je ne doutais pas un seul instant que l’Étrangère et moi ne soyons qu'une seule et même personne. Comment le pourrais je après avoir aperçu ce faciès de pierre me représentant et les mots choisis par Sildar ? Aussi, je ne puis qu’acquiescer à son interrogation.

A cela, et sans le moindre soupçon de sa part, il attira mon attention vers une dalle triangulaire. Il y en avait en fait deux non loin de moi. Une à droite et l'autre à gauche. Néanmoins, guidée par la voix tonitruante j'esquissais quelques pas en direction de celle de droite. Je reléguais la foule de questions à l'arrière de mon cerveau et me bornait à suivre les instructions qui m'étaient données. J'en vins à poser mon pied sur la dalle et de suite j'eus la sensation d'avoir commis un sérieux impair. Toute vie, ou plutôt lueur, s'échappa des yeux de la statue royale me plongeant dans une obscurité certaine. Il ne fallut qu'un instant avant que je ne sente la roche vibrer. Un nouveau nuage duveteux se répandit dans la salle tandis que j'observais sans mot dire, comprenant que le décor singulier de cette pièce se mouvait au gré d'un nouveau mécanisme. C'était fascinant et le mot était faible mais je n’eus pas spécialement le loisir de m'y attarder car le visage du roi avait cédé sa place au mien.

Je grimaçais intérieurement lorsque les prunelles de la statue s'illuminèrent à leur tour d'une lueur rougeâtre. Allait elle parler elle aussi ? Et qui serait elle, l’Ydris de ce monde ou mon moi d’une autre époque ? Le soupir qui s'échappa de l'entité fut accompagné d'une sensation on ne peut plus dérangeante, repoussante au possible et pourtant étrangement... à sa place. Chaste ? Mais que... J'affichais une mine pour le moins dubitative et mon double de pierre ne tarda guère à s'en offusquer. Je ne saisissais pas à qui je faisais face bien que les manières de ma vis à vis me soient on en peut plus familières. Le silence ainsi que ses paroles suivantes fournirent le lien qui manquait à mon esprit enténébré. Cette voix, cette personnalité correspondait en tout points à... Sirdy. Mon pendant sombre, cette femme que je pouvais parfois convoquer sans avoir jamais vraiment compris d'où elle pouvait venir. Ce double qui n'en était pas totalement un était décidé à me partager ses préoccupations. N'ayant pas voix au chapitre, je ne pus que l'écouter, surprise d'en apprendre plus sur moi que je ne l'aurais cru possible. Bondir de monde en monde, Féérune, mal temporel... J'en vins à comprendre que cette jumelle possédait sa propre vie dans chaque monde que nous avons traversé. Sirdy, Ydris ou quel que soit son nom révéla une vie pour le moins débauchée qui ne m'étonna guère jusqu'à la mention d'un enfant à naître. Une main reposant inconsciemment sur mon ventre, je ne pus néanmoins empêcher une malédiction dans ma langue maternelle devant l'apparition de mon double juste devant moi.

Toujours aussi volubile et doublée d'un écho rocailleux, l'autre femme continua de s'exprimer sans me laisser le temps de digérer le flot d'informations qu'elle me transmettait. Il n'était pas là question d'un hologramme tel que nous avions pu en voir précédemment car celle ci était à même de me voir et commenter mes réactions. Toute cette histoire devenait de plus en plus... étrange et en même temps, ne serait ce pas là un début d'explication à ce sentiment de fascination qui m'habitait depuis notre arrivée en terre naine ? Quoi qu'il en était, ma sœur jumelle possédait une gravité qui ne concordait pas avec ce que je lui connaissais. Je pouvais ressentir la souffrance, la tristesse et la détermination de ma vis à vis. Mon ventre se serra. Une enfant mi naine, mi elfe noire du prénom d’Améthyste. Sans mère puisque celle ci avait succombé à son propre désir. Un peu abasourdie par toutes ces révélations, je laissais mon double imposer de lourdes mains sur mes épaules en me confiant sa fille. Et avant que je ne puisse placer un seul mot, elle disparut.

*Evidemment qu’elle allait disparaître… tout plutôt que de m’entendre lui faire la morale ou lui poser des questions. Elg’caress !*

Grommeler et insulter mon double ne m’était d’aucune utilité mais là tout de suite, ça faisait un bien fou. J’essayais ensuite de faire le point sur ce que je venais d’apprendre. J’étais donc une voyageuse et ce depuis ma conception mais d’après les dires de ma jumelle, Astrune serait mon dernier monde. J’aurais bien aimé en savoir plus sur le pourquoi du comment de notre existence mais si j’en croyais ses dires, le kaig de Fidia recelait de quoi assouvir ma soif de connaissances. Apparemment il y avait plusieurs « nous » et nous arrivions à des époques différentes puisque mon double avait pu vivre une toute autre débauche que moi. Pourquoi étions nous si différentes ? Peu importe. Le tout étant que Sirdy fut enceinte et que la reine voulut lui prendre son enfant, prétextant qu’il pourrait avoir une meilleure vie. Anezka ? Il devait s’agir de la même reine…Mais alors… avait elle compris qui j’étais ? Si la volonté d’Azura me menait à nouveau vers l’ancien, j’aurais de nouvelles questions à lui soumettre. Et maintenant ? Mon double me confiait sa fille, un être de chair et de sang, choix curieux si l’on prenait en considération le fait qu’elle détestait ma façon d’être. Et bien entendu, elle ne me demandait pas mon avis.

Je poussais un long soupir. Ce monologue m’avait apporté autant de questions que de réponses et bien que je retardais ce moment autant que possible mon regard se dirigea vers ce qui devait être le caisson contenant un être conservé ici depuis dix ans. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Était ce un nouveau né ou bien un gamin de quelques mois, quelques années ? Plus important encore, quelle décision allais je prendre après l’avoir rencontré ? Oh je pourrais faire demi tour derechef et prétendre que cet instant n’avait jamais existé mais je doute que ma conscience ne me le pardonne un jour. Je n’avais jamais désiré d’enfant. A vrai dire, le désir charnel m’était lui aussi étranger et en cela même je constituais une erreur de la nature. Davantage encore pour notre race. J’eus bien sur quelques expériences et ce dans le but de me comprendre. Avec des femelles comme des mâles. Mais rien n’y faisait. Au contraire si je puis dire, tant et si bien que je finis par me résoudre à ma différence sans en éprouver de mal être particulier. L’amour pourrait changer la donne m’avait on raconté un jour. Ce sentiment m’était pour le moment inconnu et je n’en ressentais pas le besoin. Comprenez donc que je ne m’attendais guère à me retrouver de si tôt avec la décision de m’occuper d’un gamin. Peut être le plus simple serait de commencer par le découvrir. A cette pensée je me dirigeais dans la direction indiquée par mon double juste avant sa disparition.